Je ne peux m’empêcher de ricaner froidement pendant que Romeo tente de se défendre. J’aurais envie de lui balancer un tas de trucs par la tête, tous plus méchants les uns que les autres, mais je ne sais pas par lequel commencer. Franchement, sa réaction m’exaspère profondément. Peut-être est-ce moi qui n’ait pas suffisamment peur de l’endroit et de la situation. « Bien sûr, en sortant d’ici j’irai me chercher un fuck, mais ce sera pas toi! » Je lui adresse un sourire sarcastique, parce qu’il est sûr que je ne retourne pas nulle part avec lui ce soir. Pas après dû gérer une crise de bacon. « Tu ne l’as pas agressé avec un couteau, mais lui annoncer qu’il ferait mieux de parler, c’est presque une agression. S’il fait comme toi et qu’il a pas envie? Tu crois qu’il va s’asseoir au sol et croiser les bras? Tu n’en étais pas loin non? » Je sais que je le provoque et qu’Andreas aimera sans doute pas être pris dans notre pseudo dispute. Et la provocation a toujours été une façon pour moi de passer certaines épreuves. Je passais le temps à le faire à mon père qui refuse d’endosser un rôle plus grand qu’oncle dans ma vie et franchement, ça me convient. L’ennui c’est que je peux encore plus provoquer, donc cette mauvaise manie ne s’éteindra sans doute jamais.

Malgré tout, Andreas se lance dans son récit. Faut croire que les conneries que je lui débite l’amuse un peu vu son rire, même si ce n’était pas franchement le but et que l’attitude de Romeo ne l’empêche pas totalement de parler. Alors, d’un mouvement désinvolte, je plonge mes doigts dans la chevelure de ma perruque pour en faire voler des mèches au vent d’un air un peu joueur, un peu enjôleur. « Oh, mais mon chou, je sais que c’est moi la plus badass ici! Indétrônable! » J’écoute la suite de son récit, haussant les épaules à sa mention de bouger pour avoir moins froid. Sincèrement, je m’en balançais un peu parce que je suis à peu de chose près de simplement me geler la fraise avec ce qui se trouve sur la table. Au point où j’en suis, ça ne changerait pas grand-chose. Ma tête s’incline doucement sur le côté, un sourire se dessine sur mes lèvres. « Damn, j’aurais aimé pouvoir me péter la fraise avec un de mes profs! Ça m’aurait évité nombres de suspensions! » Je ris légèrement, tentant un peu de dédramatiser le fait de prendre de la drogue. C’est franchement pas la fin du monde que d’en consommer. Mais peut-être que je devrais rencontrer un psychologue pour un tas d’autres raisons oui. « Mais tu vois un psychologue pour la consommation ou pour ton truc avec les adultes? » Problème d’attachement qu’il a appelé ça? Ce truc que je n’ai jamais eu moi, trop occupé à les faire chier en général. Aucun trouble d’opposition ici avec les adultes… non… jamais. De nouveau mon rire se fait entendre quand il tente de se comparer à ce que j’ai pu faire, pendant que je vois Romeo s’approcher de la porte avec espoir qu’elle s’ouvre enfin. « Probablement pas, c'est vrai. Au tas de conneries de j’ai fait dans ma vie à défier l’autorité, je ne crois pas que tant de gens atteignent la même barre que moi! Mais selon la populace en générale, je ne suis pas un exemple à suivre! »

Mon regard se retourne vers celui qui est sans doute le plus jeune de nous trois. Le voir observer la porte va finir par me rendre malade. Parce que les cartons d’invitation ne nous on pas fait venir ici tous les trois pour rien. Donc si les deux garçons ont eu à parler, j’ose imaginer que mon tour s’en vient. Sauf que je n’ai absolument aucune idée de ce qu’ils peuvent avoir sur moi vu qu’à peu près tout me passe des mètres par-dessus la tête. Alors, je me penche sur la table où traîne la substance blanche. « Andreas, tu te souviens de ce que vous aviez pris? » Parce que oui, je me le demande et que si c’est quelque chose de pas si mal, je pourrais peut-être en prendre… ça reprendrait l’effet perdu de l’alcool… Même si ce ne serait pas recommandé de la consommer, ignorant tout de sa provenance et de sa pureté…

« Au point où j’en suis, ça ne changerait pas grand-chose que je la renifle ou pas. Au pire ce sera qu’un badtrip de plus dans ma vie, ce qui n’est franchement pas pire que d’être ici avec deux gamins! » J’en ai franchement marre. J’ai envie de partir, j’ai froid, j’ai les doigts qui commencent à faire mal et à être lourds tellement la température n’arrête pas de chuter. Pourquoi nous tuer à petit feu? Je ne voyais pas ce qu’il y avait de si drôle dans le fait d’avoir enfermé trois gars dans différentes pièces. Et surtout accompagné de ce rire démoniaque qui rempli la pièce, il y a décidément quelqu’un qui s’amuse beaucoup ici. Les deux enfants se bouchent les oreilles pendant que mes yeux se lèvent au ciel dans un soupir incroyablement las. Par contre, la surprise est réelle de voir les peluches s’animer comme de vrais êtres. « C’est Toy Story qui débarque en ville? Ils sont pas supposés atteindre qu’on dorme pour prendre vie ces cochonneries-là? Mais sérieux, c’est le froid qui me fait délirer comme ça? C’est vachement plus efficace que de la poudre blanche dites donc! » Beaucoup plus effrayant aussi…

Andreas est blanc comme un drap, Romeo se met à la conquête des peluches avec le premier… moi mes yeux sont fixés sur la vidéo de l’enfant qui tète son pouce. Pourquoi est-ce qu’on nous montre un gamin? Y’en a pas suffisamment dans la pièce pour satisfaire cette personne perverse? Mes muscles sont lourds, je suis fatigué, j’ai pas très envie de me forcer le cul pour sortir. Sérieux qu’on m’achève, je ne manquerai pas à personne ou du moins pas assez pour que ça vaille la peine de me garder en vie. Je m’approche de la table où traîne la poudre, mes doigts l’effleurent doucement en cherchant un lien dans tout ce qui arrive. Des peluches diaboliques, un bébé qui dort et suce son pouce… ça n’a ni queue ni tête. « Y’a pas un truc qui s’ouvre dans la peluche? Peut-être qu’y a un chiffre de cacher dans le dos ou le ventre de l’une d’elle? » Je me retourne vers eux en croisant mes bras sur mon torse, appuyant mon fessier contre la table quelques minutes. J’essaie encore de réfléchir un peu avant de me redresser pour faire le tour de la pièce lentement, tentant de voir si quelque chose pouvait nous avoir échappé…. Non ça en fait c’est quasi sûr parce qu’à part rire et ensuite s’engueuler, on a franchement pas été très productifs. Et moi, il est hors de question qu’Hera ne touche à ce faux sang dégoulinant, non, elle est beaucoup trop princesse pour s’abaisser à un truc pareil.