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bad memories | Esra
Aodhan O'Flahertie
Aodhan O'Flahertie
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A Reykjavik depuis : 11 ans
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31.08.20 23:24
Il rouvre un œil et il lui semble que du blanc s’agite autour de lui, ou peut être du beige, ou peut être des gens. Il essaie de se redresser, mais une vive douleur le long de ses côtes au premier mouvement lui fait perdre sa respiration, et sa tête s’écrase de nouveau. Ce n’est pas le sol qui la récupère. C’est mou, et confortable. Comme un nuage. Comme un coussin. Et avant qu’il n’ait eu le temps de se demander pourquoi il était dans un lit si bien formé, il perd de nouveau connaissance.

La terre sous ses doigts est humide, et quand il essaie de bouger les muscles de son visage, il entend un son craquelant et a la désagréable impression d’être enterré vivant. Alors il rouvre les yeux, et tout ce qui s’étend devant est un ciel gris. Trois gouttes de pluie tombent sur ses joues, mais quand il lève la main pour les essuyer, il se rend compte qu’elles sont rouges, dégoulinantes, et qu’il a de la boue sous les ongles. Il ne veut pas tourner la tête, et pourtant il ne peut s’empêcher de le faire. Quand ses yeux rencontrent les pupilles vides et trop sombres qu’il avait pourtant vues briller quelques heures auparavant autour d’un verre, il a envie de hurler, et se réveille en sursaut.

La douleur revient, fugace et fourbe, et il déglutit en attendant que son regard se fixe sur un point pour comprendre où il est. Une sueur froide coule dans son dos, vestige du cauchemar, mais il se force à ne pas bouger pour pouvoir analyser la situation. Enfin, il réalise que le blanc autour de lui est celui de l’infirmerie, et que la douleur dans son corps doit être réelle. Alors il ferme les yeux, et il essaie de se souvenir.

Ils arrivent par la gauche, et, comme poussé par un mauvais pressentiment, il décide de s’enfuir avant que les choses ne dégénèrent, cette fois. Ses pas sont calmes alors qu’il prend à droite, parce que courir serait vu comme une marque de faiblesse, et qu’il ne jouerait pas le rôle de l’animal traqué, mais tous les chemins mènent au même endroit. Quand il rentre dans la cuisine, dans son royaume, il se dit que c’est bon pour cette fois. Le garde qui lui fait face et qui pose sa main sur une pile d’assiettes en le regardant dans les yeux n’a pas la même idée. Et avant qu’Aodhan n’ait pu dire quoique ce soit, la vaisselle s’écrase au sol, les autres gardiens entrent, et il soupire doucement en étant trop bien conscient du piège, du fait qu’il sera toujours accusé avant un autre gardien. Quelques dizaines de minutes plus tard, la porte du trou se referme sur lui, et il est de nouveau seul dans une trop petite salle sans fenêtres. Jusqu’à ce qu’elle ne se rouvre pour laisser entrer les gardiens, en tout cas.

Ses yeux se rouvrent sur l’infirmière en train de vérifier ses signes vitaux. « Combien de temps ? » Sa voix est rauque, cassée, comme si elle n’avait pas été utilisée depuis trop longtemps, et il tousse presque aussitôt par réflexe, retenant un gémissement de douleur au dernier moment lorsque ses côtes lui font regretter ce choix. L’infirmière a sursauté, mais elle le regarde aussi, maintenant. Trois jours, elle dit. Trois jours qu’il tombe dans les pommes incessamment, alors. Ils n’y avaient pas été de main morte, cette fois. Sa main tâtonne jusqu’à ce que l’employée se décide à mettre dedans le rapport de blessures, et il plisse les paupières pour décrypter l’orthographe médicinale. Deux côtes cassées, une fêlée, l’épaule disloquée, l’arcade et le coin des lèvres entaillés, plusieurs hématomes, le poing à vif. Les dents n’étaient pas touchées, alors. Tant mieux. Il ferme les yeux.

Les gardiens sont au milieu du champ, maintenant. Les cadavres sont partis. Le champ est devenu la cellule d’isolation, ou la cellule d’isolation est devenue le champ, il ne sait pas vraiment. Ils étaient venus plusieurs fois. Ca explique mieux pourquoi certains hématomes sont plus récents que d’autres. Il aurait sans doute mieux fait de tourner à gauche. Pourtant ils ne les voient pas, les gardiens, les corbeaux dans le champ et le ciel gris qui hésite toujours à s’assombrir encore pour pleurer ses défaites. Ils s’en fichent sans doute. Alors Aodhan n’en parle pas. A quoi bon, après tout ? Ils n’ont pas de raison de changer. Les choses n’ont pas de raison d’aller mieux. A part si …

Il se réveille de nouveau en sursaut, mais il n’y a aucune sueur froide, cette fois. Sa voix, déjà, se libère plus facilement. « Infirmière ! Il faut … Il faut annuler la visite. Il faut dire à mon avocat que je veux pas le voir. Il faut … annuler ça. » Mais déjà, ses forces le quittent, et il serre la mâchoire en jetant un œil à la perfusion qu’on lui a accrochée au bras. Des calmants. Pour diminuer la douleur, ou pour l’assommer ? Peut être les deux. « Enlevez ça. Il faut … l’empêcher … de venir. » L’infirmière le regarde et hésite, mais elle finit par venir baisser la dose, et quitte la pièce. Peut être pour faire ce qu’il a dit. Même si ça ne suffira jamais. Une semaine et trois jours. On est mardi. Il a rendez-vous avec Esra, aujourd’hui. A en croire le soleil, bientôt. Très bientôt. Il ne doit plus être très loin. Et s’il le voit comme ça … Aodhan déglutit, et se redresse tant bien que mal en position assise. Son corps manque de le laisser lâchement tomber alors qu’il le pousse pour remplacer la tenue de patient par la tenue de prisonnier, et il retombe assis sur le lit avant d’enfiler le haut. Cette étape lui prend un temps fou, ses côtes hurlant et son corps se pliant presque en deux à chaque fois qu’il bouge les bras. La porte s’ouvre finalement, et il n’a même pas besoin de relever les yeux pour savoir que ce n’est pas juste l’infirmière, cette fois. Raté.
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Esra O'Shea
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21.10.20 7:36

« Ce sont ces lettres? Et pourquoi ne les a-t-il pas reçu directement? »

Il y a ce silence que tu connais trop bien, ce silence qui veut tout dire, sans aucun mot. Il y a ces regards entre les secrétaires, gênés, qui voudraient clairement te dire ce qui se passe, mais qui ont trop une place peu importante dans la hiérarchie pour dire quoique ce soit. Il y a ce garde de sécurité, qui essaie d’avoir l’air de ne rien savoir, mais que son regard trahit sa nervosité. Il a dû être payé pour être muet. Tu regardes les lettres entre tes doigts, te reculant un peu pour y voir les noms inscrits. La majorité vient d’un certain Mikjall. L’écriture est fine, chaque lettre semble être déposé avec une justesse que seul des écrivains savent avoir. Ou quelque chose qui demande des heures de notes. Tu regardes l’en dos. Les dates sont multiples, certains remonte à quelques mois. Cet homme, qui qu’il soit, compte beaucoup pour Aodhan. Ou du moins, Aodhan compte beaucoup pour lui. Assez pour avoir continuer à lui écrire, même sans réponse. Assez pour que, même enfermé dans une prison, il continue de lui écrire. Tu n’y connais pas grand chose en amour. Le plus proche que tu as vécu, c’est avec Mayka, et même cette relation semble s’effacer comme un vent dans ta vie. Tu n’as jamais vu tes parents amoureux plus que ça. Tu n’as jamais ressenti ce grand amour que les jeunes décrivent. Tu n’as vu que des divorces passer dans ton bureau, des hommes qui frappent leurs femmes, des femmes qui abusent de leurs hommes. Tu n’as vu que la douleur. Mais quelque chose en toi te dit que quelqu’un qui est prêt à écrire à un homme qui ne lui répond pas, dans une prison lugubre, ça sonne comme une histoire d’amour. Quelque chose te dit que le nombre de lettre, même sans réponse, ne veux pas rien dire. Que le contenu est précieux pour Aodhan. Que quiconque lui a refusé de telles lettres ne fait certainement pas bien son travail.

« Écoutez, je ne veux pas en arriver là, mais j’aurais besoin de nom. Quelqu’un ici, peut-être plusieurs même, ne font pas bien leur travail. Et j’ai déjà fait perdre l’emploi de plus d’une personne. Ne m’obligez pas à vous forcer la main également. » Tu n’es pas quelqu’un de gentil, Esra. Tu défends ceux qui n’ont personne. Ceux qui vont parfois droit vers la mort. Tu défends ceux laisser pour compte, tu défends l’indéfendable. Tu n’es pas jugé comme quelqu’un de bien, Esra. Mais tu sais défend ce que tu penses juste. Tu sais reconnaitre les criminels que tu défends, les mettre dans tes cases. Tu sais surtout que la vie n’est jamais blanche ou noire. Tu sais qu’Aodhan n’est pas que noir. Tu l’as toujours su, depuis que tu étais enfant, depuis que tu avais compris que les bleus, le sang, les fractures qu’Aodhan avait, ne venait pas de simples blessures accidentelles. Que le rapport que vous aviez envers vos parents n’était pas semblable. Que les objets brisés chez lui n’étaient pas dû à de la maladresse. Depuis ce temps, tu t’étais juré de le protéger de tout. De le protéger de lui-même, surtout. Tu avais fauté, de nombreuses fois, et tu t’en étais voulu pendant des années. Tu ne devais pas fauter une nouvelle fois, tu ne te le pardonnerais jamais. Tu ne pouvais pas te tromper, malgré que l’enjeu était bien plus gros, grand, que lorsque vous étiez enfants. La vie de ton ami, de celui que tu avais connu, de celui dont tu avais tenté de résonner, celui qui t’avait changé, celui qui était ton frère… était enjeu. Tu aurais dû le sauver, il y a de ça des années, mais tu n’étais qu’un enfant, un enfant qui cherchait déjà une potion pour grandir. En étant un adulte, tu aurais pu amener Aodhan loin d’ici. Tu aurais pu le protéger. Tu n’étais qu’un enfant, et tu n’avais rien pu faire. Désormais, tu t’en mordais les doigts : Pire que ça, tu maudissais ton corps comme tu l’avais maudit des années auparavant. Tu retombais dans tes vieux démons, ton corps commençant de plus en plus à souffrir du manque de nourriture.

Ils ne répondent, pas vraiment, pas par des mots, mais par des regards, des photos qu’ils te montrent, des angoisses qui te sonnent des alarmes. Ça fait des années que tu connais cet environnement, des années que tu défends des hommes que personne n’aime, des hommes que plusieurs essaies de tuer pendant que tu les défends. Est-ce que cela te surprend de voir que quelques gardes, dont un en particulier, s’en prend depuis quelques années à Aodhan? Non, du tout. Tu comprends sa douleur, sa rage, son envie de vengeance, mais tu ne peux lui donner raison. Il abuse de son pouvoir, de sa place, et même si tu imagines sa douleur, tu ne peux la concevoir. Tu ne peux accepter ça, surtout sur ton client : Aodhan a commis des crimes horribles, dont certains passages te fait ravaler ta langue, mais ce n’est pas pour autant que les gens doivent abusé de leur pouvoir. Et malheureusement, cela leur coutera leur job. Tu n’allais pas laisser passer ça. Prenant les noms en note, tu allais rencontrer leur supérieur dès cette après-midi pour gérer ça. Tu devais d’abord aller à ton rendez-vous avec Aodhan, essayer de lui tirer des informations, sans doute inutile, et surtout, lui remettre ces lettres. Les glissant dans ta poche de veston, tu finis  par tourner les talons, te dirigeant vers votre lieu habituel de rencontre.

Néanmoins, ce n’est pas sur Aodhan que tu tombes, mais sur une infirmière. Tu sens déjà cette inquiétude horrible te prendre à la gorge, cette inquiétude dont tu te coupes habituellement toujours au boulot. Elle te saisit par la gorge, t surprend un moment de t’en faire autant pour un client. Mais ce n’est pas n’importe quel client. Aodhan. Ton ami d’enfance, ton voisin, ton pire ennemi, ton frère… Il est celui pour qui tu as grandis ainsi, celui que tu aurais été prêt à donner ton corps pour le protéger. Il est celui dont tu t’es toujours voulu d’avoir laissé, celui dont tu tendras toujours la main vers lui, quoiqu’il fasse, quoi qu’il arrive. Il est celui qui t’a fait haïr et aimer la vie. Celui pour qui tu es désormais malade. Alors quand l’infirmière vient vers toi, pour te quémander, tu sens quelque chose brulé ton cœur. La même douleur qu’enfant, quand ton père guérissait les plaies de Aodhan. Tu l’as suit rapidement dans les couloirs de la prison pour arrivé vers l’infirmerie, le souffle court, les poings serrés sans que tu le remarques. Et comme si le noir avait été éclaté sur un mur blanc, la vérité te fait face. Non seulement la mine atroce d’Aodhan, mais aussi ces marques qui couvre son visage, son torse, puis en te tournant un peu, tu vois les cicatrices sur son dos. Anciennes, récentes, brulantes, vives. Comme un tableau qui t’explose en plein visage, tu vois les années de mensonges, de cache-cache, de ‘je ne le dirais pas si tu n’en parles pas’. Tu vois ce qu’il a tenté de te cacher, sans jamais y arriver. Tu vois les marques, tu vois la douleur, tu vois Aodhan.

Pourquoi tes joues sont redus mouillés? Pourquoi ta vue s’embrouille? Pourquoi, dis moi, pourquoi tu as si mal?

D’enjambées rapides, tu t’approches de lui, tu poses tes mains sur ses épaules, mais sans y trouver cette force que tu as d’habitude. Tu es incapable. « Recouche toi, idiot! Regarde toi! » Tu cris, tu es énervé, tu es fatigué. Tu veux le sortir de là, tu veux le sauver. Tu en as marre d’arrivé trop tard. Tu en as marre de ne pas réussir. Tu en as assez de ne pas être suffisant! « Je t’en pris, couche toi… Tu as besoin de soins, idiot! » Tu viens le force finalement à se coucher, alors que tu glisses ta main sur ton front, reprenant sur toi lentement, prenant des grandes respirations pour te calmer, pendant que tu viens glisser tes mains sur tes joues. « Bien-sûr que non, ce n’est pas venu en tête au grand Aodhan de parler à propos de gardes de sécurité qui abuse de leur pouvoir! Non, bien-sûr que non, Esra a dû le découvrir seul, comme toujours! » Tu soupirs un peu, effleurant ton visage. « D’abord les lettres et maintenant ça… » Quoi d’autres t’avaient échappés? Quelles erreurs avait-tu commises? Encor, et encore. « Explique moi Aodhan… Là, je mérite des explications. » Tu avais presque envie de le supplier, mais tu ne le suppliais jamais Aodhan. Grand idiot…
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Aodhan O'Flahertie
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21.10.20 20:51
Il l’a entendu ouvrir la porte avant de le voir, et il n’a pas réussi à lever les yeux, trop conscient d’être en position de faiblesse, trop conscient de ne plus être capable de se relever complètement, mais surtout trop conscient de la chemise de prisonnier qu’il n’a pas réussi à totalement enfiler, qui pend à son bras, inutile, ne recouvrant rien, ne cachant rien, ne protégeant rien, même pas le mensonge. Il voudrait pousser son corps encore, et pourtant son premier et seul réflexe est de se figer. Il a l’impression qu’un gong résonne à ses oreilles tant ce moment était prévisible, tant il l’a redouté, tant il l’a imaginé. Il était petit, alors. Il n’avait sûrement pas bien réussi de toute façon, à cacher tout, à protéger Esra, mais il ne l’avait jamais laissé voir, et c’était le plus important. Parce que les images se gravent dans nos orbites et ne nous quittent plus jamais, parce qu’il n’y a rien qui ne puisse chasser une vision, rien qui ne puisse empêcher nos cerveaux de les enregistrer comme des peintures. S’il ne pouvait pas l’empêcher de savoir, il avait au moins presque réussi à l’empêcher de voir, peut être pas la violence, mais ses conséquences. Plus aujourd’hui.

Il sent un frisson remonter son dos au moment où les yeux de son frère de cœur se posent dessus, et il n’est pas certain de l’imaginer, mais il ne regarde toujours pas. Un peu voûté, il a presque l’impression qu’il pourrait se refermer sur lui-même, se prostrer complètement, pour échapper à ce moment, pour fermer les yeux et réaliser que ce n’était qu’un mauvais rêve, mais sa fierté le tient assez droit pour finalement pouvoir relever les yeux vers l’avocat. Ils se croisent, un instant, et son cœur tombe dans son estomac, et il a un peu envie de vomir, et il réalise que c’est vrai, cette fois, et qu’une fois de plus, il n’a pas pu le protéger.

Il est maigre, Esra. Ce n’est pas la première fois qu’il se fait la réflexion, mais il a fini par comprendre, avec le recul et les années, qu’il l’était souvent plus que d’autres. Il s’est souvenu des fois où il voyait ses veines, au travers de ses poignets et de son cou, où ses clavicules semblaient sortir plus que d’habitude. Il s’est souvenu que parfois, le midi, il n’arrêtait pas leur jeu pour sortir sa lunchbox. Il s’est souvenu qu’il y avait toujours quelque chose qui clochait, dans ses yeux, quand il voulait partager son goûter avec lui et qu’Aodhan se forçait à ne pas manger trop vite, à ne pas dévorer pour n’alarmer personne. Il n’a pas réussi à comprendre le lien entre le manque de nourriture qu’on lui donnait à lui et le peu de nourriture qu’Esra acceptait d’ingurgiter, mais il a compris qu’Esra mangeait peu, ou pas, parfois. A en croire ses traits aujourd’hui, il se dit que ça ne s’est jamais arrêté.

Pire, il pleure, Esra. Ca le rend plus immobile encore, parce qu’il avait dit qu’il ne pleurait plus, et que lui l’avait cru, bêtement. Ca ne devrait pas le surprendre de le voir pleurer, pourtant. Mais ce n’est pas comme d’habitude. Il ne s’est pas fait mal. Il a mal, simplement. Et étant donné la situation, il ne peut avoir mal que parce qu’il a vu. Pourtant, il n’a pas l’air surpris. Il n’a pas l’air de chercher à comprendre. Il a simplement l’expression de celui qui n’avait pas besoin d’une preuve de plus, et qui pourtant l’a eue. A cette idée, Aodhan sent des sueurs froides couler sur sa peau. Il savait. Bien sûr qu’il savait. Il savait qu’il savait. On n’oublie pas si vite, et Esra a toujours fait attention. Il avait eu confirmation qu’il savait la dernière fois, déjà, alors que son garde du corps avait arrêté l’altercation avec un garde, lors de leurs retrouvailles. Il avait eu honte, un peu. Cette fois, la honte l’étouffe.

Il s’approche vite, le touche vite, et les images sont trop claires dans son esprit, les évanouissements ont menés à trop de souvenirs, quelques uns liés aux cicatrices, quelques uns de violence reçue sans être infligée, alors Aodhan sursaute et le repousse le plus fort possible aussitôt qu’il crie, aussitôt qu’il est trop près, mais son bras se bloque et ses côtes hurlent et il se mord l’intérieur de la joue de toutes ses forces pour ne pas crier, réussissant à réduire le tout à un gémissement de douleur seulement. « Fous moi la paix ! » C’est tout ce qu’il arrive à dire, une énième tentative pour le repousser, comme à chaque « t’es sûr que ça va ? » de leur enfance, de celles qui n’ont jamais fonctionné. Il voudrait le frapper pour détourner son regard, le secouer pour lui faire oublier, l’attaquer pour qu’il s’énerve, l’insulter pour qu’il passe à autre chose, mais ses yeux sont fixés sur le sol et il se sent trembler – de colère ou de honte, il ne sait plus vraiment – tandis que les mains sur ses épaules appuient un peu et que son corps s’échoue lamentablement sur le matelas. Sa mâchoire se serre. Il ne peut rien faire. Il n’a pas pu le protéger, et il ne pourra pas l’empêcher de continuer de fouiller. Il ne pourra pas l’empêcher d’avoir plus mal encore. Il ne pourra pas l’empêcher de se sentir coupable.

Il respire pour se calmer, et Aodhan se retient de manger son coussin simplement parce que cela voudrait dire se retourner et exposer de nouveau son dos. Ses poignets bougent légèrement, comme pour vérifier qu’il n’est pas attaché au lit, et il pousse sur ses bras autant que possible pour au moins se redresser contre les coussins, le dos bien plaqué, pour au moins ne pas être allongé et trop fragile pour soutenir son regard. Il ne le regarde toujours pas, pourtant. Sa honte, elle, est bien décidée à le garder à terre. Et Esra parle, parle, et parle encore, et lui déglutit et essaye de sortir de la bulle qui essaie de se former autour de lui, de toutes ces voix qui rient et qui lui rappellent qu’il est faible, qu’il inquiète les gens pour rien, que ses choix ont des conséquences, que ce serait mieux s’il n’avait jamais existé. La voix a toujours été semblable à celle de son père, ou peut être que c’est simplement la sienne, et comme d’habitude, l’angoisse est remplacée par de la colère comme seul moyen de défense.

« T’as fini, ça y est ? » La colère est froide, tranchante, agressive, autoritaire. Il pourrait presque oublier qu’il ne le regarde pas. « Je te dois rien, je te signale. Et je me débrouille très bien tout seul. » Ironique, vu l’état dans lequel il est. Ironique, alors qu’il a parfaitement conscience qu’une fois de plus, sans Esra, peut être qu’il ne pourra pas survivre longtemps. Mais la fierté et la honte ont un dernier sursaut de protection, et la mauvaise foi prime dans la colère. « Y’a rien à expliquer. C’est la prison, j’ai voulu taper quelqu’un et j’ai perdu, ça arrive. Ca ira mieux, j’ai vu… » Sa voix se bloque dans sa gorge, et il ravale ses paroles. Il ne doit pas dire qu’il a vu pire. Esra n’a pas besoin de l’entendre. S’il pouvait réfléchir, il serait sans doute surpris de voir que même énervé, son premier instinct est toujours de le protéger. « T’as vraiment besoin de pleurer pour ça ? On appelle ça assumer ses conneries. Ca mérite pas des larmes. » Peut être que si. Il ne sait plus. Peut être qu’il n’a jamais su. « De quoi tu parles, des lettres ? » Sa voix s’est calmée, un peu, sur les derniers mots. Il doit délirer, un peu. Il doit mélanger le passé et le présent. Il n’y a pas de lettres, ici. Il n’y en a jamais eu.
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23.12.20 9:02

Tu avais toujours été un enfant brillant, Esra. Et en grandissant, ça n’avait jamais disparu. Cet esprit allumé, ce regard observateur, et surtout, ce sens à tout épreuve, capable de comprendre, de réalisé, de connecter des liens ensemble. Tu étais brillant, Esra, plus que la moyenne, même si tes parents, surtout ta mère, n’avait jamais jugé obligatoire de te faire un teste pour savoir si, oui ou non, tu étais surdoué. Tu te débrouillais bien, et tes difficultés sociales, bien qu’apparente, avaient souvent été mises sur le coup que tu étais ami avec Aodhan. Tu avais toujours préféré sa compagnie que celle de quiconque, même les jeunes de ton âge. Tu avais presque sauter des classes, enfant, tant tu semblais t’ennuyer avant de faire ce que tu aimais réellement faire : La justice. Même enfant, tu avais toujours été le premier à remarquer les petits détails, à parler plus, à comprendre. De là à dire que ta façon de voir les choses t’avaient gâché ton enfance? Non, ce n’était pas ça qui t’avait privé d’une enfance normale, C’était bien plus complexe que ça. C’était lui. C’était Aodhan, et ton lien avec lui. C’était ta mère, et votre lien brisé. C’était les parents d’Aodhan, et leur froideur. C’était toutes choses qui avaient fait en sorte que tu grandisses différemment que les autres enfants, alors ta douance n’avait jamais apparu plus que ça. C’est surtout ton père qui en avait prit conscience, un peu plus vieux. Et de là à te faire diagnostiqué, rendu à ton âge, ça ne valait plus vraiment la peine. Tu savais qui tu étais, ce que tu valais. Le reste importait peu, surtout en grandissant. Tant que tu gardais en tête ce que tu valais, celui que tu étais, celui que tu voulais être. Et si tes iris ont toujours été porté vers Aodhan, c’était pour une raison : Parce que, comme tout frère, tu te sentais responsable de lui. Tu te sentais… responsable de sa douleur. Aussi idiot que c’était.

Tes yeux se posent sur lui, le contemplent, remarquent encore une fois ce que tu as toujours su. Ton regard scrute son corps, puis ses yeux, même si tu sais pertinemment que jamais tu n’auras son regard. Que toujours il te fuira, comme enfant. Et quand tu essaies de capturer son regard, tu sais que tu as perdu. Et c’est sans doute ce qui te fait le plus mal. Tu as perdu. Comme toujours. Car peu importe le nombre de fois que tu essayeras de le regarder, que tu essayeras de tendre la main vers lui, il te repoussera avec la même violence qu’enfant. Parce que, pendant les quelques minutes qui suivent, c’est ce que vous êtes : Deux enfants de nouveau, cherchant tout deux à se cacher. Toi, de cacher ton mal être, ta maigreur, tes larmes. Lui, tentant de disparaitre derrière sa colère, sa honte, ses blessures et sa peur. Deux enfants. Cherchant par un regard fier, ou un regard fuyant, à fuir ce qu’ils sont devenus. Deux enfants, face à face. Les mouvements sont repoussés, la voix s’élève, brisante, mais tu ne recules plus devant sa voix, Esra. Combien de fois tu l’as entendu, ce cri déchirant. Combien de fois que tu as vu un homme se dressé devant toi, devant le Tribunal. Tu ne recules plus, car ton corps a apprit à ne plus avoir peur des mains ou des cris en ta direction. Tu reflètes à Aodhan ce que lui as toujours été enfant, et même encore aujourd’hui. Tu ne recules plus. Parce que tu ne mentais pas la dernière fois : Tu ne pleures plus. Tu n’as plus peur. Tes larmes ne semblent couler que lorsque cela le concerne. Encore une fois. Et les larmes, elles s’échappent, et tu ne sais plus ce que tu pleures. Pour lui ou pour toi?

« J’aurais finis quand tu arrêtera de fuir chaque fois que je veux avoir une discussion avec toi. » Ta voix est froide, tendu, brisé par la douleur. « Tu ne peux plus me mentir, Aodhan. Je ne suis plus un enfant, je ne suis plus ce garçon que tu dois protéger. Je suis ton avocat, et tu ne dois pas mentir à ton avocat! C’est la règle. » souffles-tu d’une voix calme, malgré tes larmes toujours coulantes, ta voix toujours rauque, tes mains toujours tremblante. Les mots te percutent, te touchent, alors que tu viens brusquement attraper son poignet, le tirant vers toi pour enfin croisé son regard, malgré tout le risque que tu puisses prendre. « Tu me dois plein de choses, sauf que tu es trop égoïste pour le voir! Tu l’as toujours été! » Ta voix est criante cette fois-ci, brisée, alors que tu le relâches rapidement, te reculant en t’appuyant sur une des chaises, le souffle court. Tu te sens si faible… Ta tête tourne, ton esprit vague, et tes mains s’accrochent un peu plus à la chaise. « Tu me dois des années à t’avoir protégé de ma mère. Tu me dois des années à avoir tenté de venir chez toi pour te protéger de ton père, sans que tu en ailles jamais eu conscience. Tu me dois des années où je me suis disputé avec ma mère pour que tu viennes chez nous. Tu me dois des années où j’ai pleuré ta mort. Tu me dois… Tu me dois au moins une preuve d’amour, pour toutes ces années où je me suis accroché à toi, où j’ai vu ton fantôme, où j’ai fais des cauchemars de ce que tu avais pu vivre, parce que tu es mon frère! » Tu te relèves lentement, le souffle court, les larmes brillantes, alors que tu sens ton cœur se serré encore une fois à la vue d’Aodhan. « Tu… Tu as toujours été mon frère. Tu as toujours été à mes yeux une des personnes les plus importantes que j’ai eu. Tu me dois… au moins la vérité, Aodhan. C’est tout ce que je te demande. »

Les lettres. Tu viens attraper le paquet de lettres dans ta poche, tremblant, pour venir le poser aux côtés d’Aodhan, sur le lit. Puis tu te recules, venant te laissé tombé sur la chaise en posant ta main sur ton front lentement. « Tes lettres. Elles te sont adressées, Aodhan. » Tu lui laisses les lires, s'ils le désirent. Tu lui laisses, à ses yeux, le contenu de dizaines de lettres, tous avec la même écriture fines, celle que tu peux reconnaitre, vient d'un homme qui a dû écrire des centaines d'articles. Une écriture fine, parfois tremblante sur certaines lettres, mais toujours lisible. Toujours parfaite. Soigné. Des lettres tous adressés à Aodhan. Des lettres que cet homme espérait, ou peut-être pas, avoir un réponse.

feat ♛ Aodhan


Reykjavik, Islande
Aodhan

J’ai souvent essayé d’imaginer un monde sans toi. J’ai souvent essayé d’imaginer qu’est-ce que ça serait, si je ne t’avais jamais rencontré. Si mes pas n’avaient jamais croisés celui que tu étais, derrière ces barreaux. Sans doute que je ne me serais jamais aussi disputé avec mes parents. Sans doute que je ne serais jamais devenu si distant avec tout le monde. Sans doute que je n’aurais jamais cherché à faire autant de mal à ceux s’approchant de moi. Et sans doute que je n’aurais jamais connu ce que ça faisait, d’être amoureux.
Et pour ça, je ne regretterais jamais de t’avoir connu. D’avoir été sur ton chemin. D’avoir pu croisé la personne détruite, sensible, courageux, menteur, protecteur, que tu étais. Tu m’as libéré de mes parents, avec qui je n’aurais jamais eu le courage de prendre mes ailes. Tu m’as libéré de cette douleur de ne pas être libre de mes choix. Tu m’as donné un but à ma vie, Aodhan, même si… Ce n’était pas toujours un but que je comprenais moi-même. Tu m’as donné le gout d’écrire, de partager, de prendre en photo ce que je trouvais beau. Tu m’as fait aller en guerre, là où j’ai vu les pires humains, comme les meilleurs humains. Et je suis tombé amoureux, Aodhan.
Tu crois surement que je suis devenu celui que je suis aujourd’hui par ta faute. Tu as raison, il y a une partie qui t’appartient, mais c’est ce qui fait les humains… si fantastiques, non? Tu rencontres quelqu’un, et cette personne va te changer, en bien, en mal, parfois les deux… Tout ceux que tu rencontres, ont un impact sur toi, Aodhan. C’est ce qui est fantastique, avec les humains. Le contact humain. Je sais, tu en as horreur. Moi aussi, je l’ai longtemps fuit, avant… avant de me rendre compte que tout ce que je désirais, c’était ton contact, Aodhan. Celui de ceux que j’aime.
On ne réalise pas la chance que nous avons, avant de la perdre. Et je t’ai perdu, encore une fois. Et tu m’as dit de vivre pour toi, et j’ai envie de le faire, Aodhan, j’ai vraiment envie… Mais je t’en pris, toi aussi. Vie pour moi, Aodhan.
Je sais, tu n’as jamais aimé cette vie. Tu l’as trouve amorphe, uhm? Ennuyeuse, douloureuse. Je te comprends, tu sais… Mais je t’assure qu’il y a des gens… qui te donneront le goût de te battre, pour être avec eux. Moi, j’ai trouvé cette raison en toi, Aodhan. Peu importe combien de fois tu te maudiras pour m’avoir rencontré, moi je te remercie, Aodhan. Je te remercie de m’avoir croisé, de m’avoir donné un but à ma vie, de m’avoir dit de vivre. Je te remercie pour m’avoir laissé t’aimer, pour m’avoir permis, pendant un moment, de comprendre l’essence du mot Amour.
Tu sais, je veux écrire sur toi, d’ici quelques années. Pas maintenant. La douleur est encore trop récente. Mais je veux écrire sur toi. Sur l’homme que tu étais. Celui qui a prit des mauvaises décisions, mais sans jamais avoir vraiment le choix. Celui qui a été remplit de remords. Celui qui a tout donné, pour tenir la main de quelqu’un, une seule fois. Celui que j’ai aimé, jusqu’à la fin.
Aodhan, je sais que tu te maudis pour beaucoup, pour trop de choses. Alors je t’en pris, ne maudit pas notre rencontre. Ne maudit pas notre baiser, nos mots échangés, nos discussions. Je t’en pris. Ne maudit pas une des seules choses que je garde en bons souvenirs. Tu as été, à mes yeux, une des plus belles personnes que j’ai rencontré. Et j’ai envie de croire que, un jour, on se retrouvera.
Aodhan, vie pour moi. Si tu ne veux pas me revenir, je comprendrais, mais je t’en pris, vie. Bat toi. Tu es un combattant, un guerrier, le plus fort que je connais. Et j’ai envie que les gens le sachent. Vie pour toi, Aodhan. Pour une fois, vie pour toi. Et si un jour tu veux revenir, alors sache que ma porte t’est ouverte. Que mon cœur, lui, t’attends. Peu importe ta décision. Peu importe si tu veux vivre avec moi, ou non. Je serais là.
Je t’aime, Aodhan. Je suis désolé de n’avoir jamais été capable de te le dire, avant qu’il ne soit trop tard. Je t’aime. Où que tu sois désormais, j’espère que ces mots iront jusqu’à toi, et te donneront de la force. Je t’attendrais. Je t’attendrais toujours, Mo grá.

Cibé áit a théann tú, beidh mé i do chosantóir.

Mikjall
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Aodhan O'Flahertie
Aodhan O'Flahertie
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Pseudo (prénom) | Pronom : gavroche (arthur, il)
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Âge du perso : 37 ans
Emploi/études : Officiellement chef cuisinier, officieusement criminel en cavale
Célébrité : 5/10 à l'origine (chef étoilé reconnu dans son domaine, Perlan) mais récemment 6.5/10 (criminel, rapatriement et prison l'ont monté à 8 mais là on commence à l'oublier ça y est)

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25.01.21 22:21
Il voudrait que ça s’arrête. Il voudrait retourner en arrière et mieux prévoir les choses, rendre les coups avant qu’ils ne deviennent trop puissants, avant qu’ils ne l’envoient à l’hôpital. Il voudrait remonter plus encore et refuser de revoir Esra, ou même ne jamais le laisser le rencontrer. Il voudrait que le temps remonte au tout début et qu’il ne naisse jamais, que sa mère ait un accident quelconque, qu’il n’atteigne jamais le moment où ses poumons aspirent l’oxygène. Et si c’était impossible, alors il voudrait au moins mourir maintenant, s’assurer que rien de ce genre ne puisse arriver de nouveau. S’assurer que plus personne ne sera blessé à cause de lui. Il sent sa gorge se serrer alors qu’il fixe ses propres mains, alors qu’Esra reprend la parole et qu’il ne dit que des choses qu’il ne veut pas entendre. Il le revoit retenir des larmes à l’entrée de la salle de bain de chez lui, alors que la voix nerveuse et blessée de son père résonnait dans la pièce, derrière lui. Il revoit la joue rougie d’Askja et ses yeux clairs écarquillés. Il revoit les larmes de Mikjall qui coulent sur ses lèvres à lui et l’adieu qu’il n’a même pas su dire. Il revoit le regard de sa mère sur les bancs du tribunal alors que sa sentence était proclamée, le choc et la douleur qu’il n’avait pas su voir à l’époque. Il revoit les traits fatigués de son père alors qu’il refusait pour la énième fois de s’excuser, alors qu’il recommençait à trembler. Et quand il essaye de bouger sa main pour revenir dans l’instant présent, il réalise qu’elle tremble, elle aussi.

Son poignet est tiré en avant, son mouvement de recul est cassé dans l’œuf, et il relève les yeux vers son ami d’enfance brutalement, instinctivement, pour voir venir un coup qui ne tombera jamais. Et plus il parle, plus Aodhan serre la mâchoire, plus sa gorge devient un étau. Il va s’écrouler. Il va s’écrouler et ce sera de sa faute. Il va s’écrouler parce qu’il n’arrête pas de lui faire du mal. Il va s’écrouler parce qu’il est trop faible pour le protéger du monde. « Je t’ai rien demandé. » C’est faible, pourtant. Parce qu’il a sans doute raison. Parce qu’il lui doit tout. Parce qu’il lui doit bien la vérité. Mais il n’a jamais mis de mots sur les choses, et la vérité est sans doute la pire condamnation à laquelle il peut penser. La colère qui grandit en lui pour cacher la honte, pourtant, est dirigée contre lui-même. Parce qu’il devrait. Parce qu’il devrait au moins être capable de lui admettre que pour lui aussi, ils étaient frères.

Quand les lettres tombent devant lui, il est trop occupé à essayer de chasser le rouge de ses yeux pour vraiment les voir, et son regard tombe dessus sans savoir les identifier. Quelques secondes passent dans un silence glacial, avant qu’il ne parvienne à distinguer les différentes lettres, avant qu’il ne parvienne à distinguer un nom. Mikjall. Il déglutit visiblement avant d’en attraper une au hasard, la dépliant tant bien que mal de ses mains tremblantes, s’en voulant presque de mettre du sang sur le papier. Il oublie Esra, un peu, alors qu’il étale la feuille sur le lit, qu’il se redresse juste assez pour pouvoir la lire, que ses yeux parcourent chaque ligne tandis que son cœur essaye de lui faire comprendre qu’il bat toujours.

Ca commence comme une accusation, comme une lettre pour évacuer la haine, et il se dit qu’enfin, il a compris, qu’enfin, il se libère, qu’enfin, il peut partir – mais c’était sans doute sans compter sur la ténacité de Mikjall. Il pourrait lever les yeux au ciel s’ils n’étaient pas posés sur son papier alors qu’il passe presque au dessus des mots sacrés, qu’il a du mal à comprendre qu’ils le concernent, qu’il refuse de voir le sens qu’ils portent, encore quelques secondes. Au lieu de ça, il se dit qu’il n’a rien compris. Il se dit qu’il n’a jamais pris de mauvaises décisions, pas vraiment, pas pour ce qui comptait, pas quand il avait suffisamment de contrôle pour en prendre. Il se dit qu’il faudrait qu’il lui dise, un jour, que jamais il n’a regretté l’IRA, que jamais il ne le regretterait, que jamais la cause ne lui paraîtra pas légitime, que jamais il n’arrêterait. Il se dit qu’il ne pourra jamais le lui dire alors que ses yeux continuent de lire et que ses yeux brûlent tandis qu’il refuse de laisser les larmes se former. L’irlandais qui se forment sous ses yeux est pourtant la goutte d’eau qui fait déborder le vase, alors qu’il l’imagine essayer de placer les accents, alors qu’il réalise qu’il a fait l’effort alors même qu’il n’en avait pas besoin, alors que toute sa lettre est trop réelle et trop enflammée et qu’il sait qu’il sera incapable de lire les prochaines pendant un moment – il explose.

Mais comme d’habitude, l’explosion commence superficiellement. L’explosion est la colère, et ses mains trop tremblantes posées sur les coins de la feuille suffisent à la couper en deux, à couper en deux un papier où Mikjall a laissé couler son âme. Une fois de plus, il détruit tout, et les voix dans sa tête augmentent, lui rappellent qu’il ne mérite pas cette lettre, qu’il ne mérite pas ces sentiments, qu’il ne mérite pas d’être là, qu’il ne mérite ni l’amour d’un étranger ni celui de son frère, assis à ses côtés, et plus rien n’a d’importance que le rouge alors qu’il déchire la feuille en mille morceaux, alors qu’il se redresse, qu’il se relève, qu’il ne sent pas son corps hurler de douleur à cause de l’adrénaline, que ses mains viennent se poser sur le col d’Esra. Il le relève et le plaque contre le mur, incapable de savoir si la porte est toujours ouverte, s’ils sont vraiment seuls dans la pièce, si quelqu’un pourra vraiment l’arrêter. La tête de son ami d’enfance résonne quand elle frappe le mur, une fois, deux fois, trois fois, et il a envie de s’arracher les bras pour arrêter, mais il ne contrôle plus son corps. Il arrête de le secouer uniquement pour poser une main sur la gorge trop fine, pour serrer un peu. Cette fois, son regard est planté dans le sien, mais il ne le voit pas vraiment. Pourtant, comme dans un dernier élan, comme dans un dernier espoir, sa gorge se délie pour lancer une dernière prière.

« Frappe moi … » Il faut qu’il l’arrête. Il sait, au fond de lui, qu’il ne faudrait pas beaucoup pour le renvoyer au sol, étant donné l’état de son corps. Il sait, au fond de lui, qu’Esra en est plus que capable, aujourd’hui. Il faut qu’il l’arrête avant que lui ne continue. Il faut qu’il l’arrête avant qu’il ne lui fasse vraiment du mal. Il faut qu’il l’arrête parce qu’il ne pourrait jamais se le pardonner, ça non plus, et qu’il n’est pas sûr de pouvoir survivre à une autre couche de sang sur ses mains. Il n’est pas sûr qu’il n’étouffera pas dessous, cette fois.
(c) AMIANTE
https://walk-on-ice.forumactif.com/t954-aodhan-o-flahertie-548-3578 https://walk-on-ice.forumactif.com/t541-aodhan-hoist-the-colours
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