Elle est arrivée par la poste comme une évidence. C’est une enveloppe dorée, brillante, qui semble un peu tranchante, même. Il vous semble apercevoir des lames de rasoir sur le timbre, mais vous n’en êtes pas certains. C’est peut être une illusion d’optique, un jeu de lumière. La lettre à l’intérieur, elle, ne laisse aucun doute, pourtant. L’écriture est élégante, italique, comme celle d’un ancien temps : « Je connais votre secret. » Vous ne savez pas de quoi il s’agit, et pourtant, la signature a de quoi donner des frissons dans le dos : Huldufolk. Les scandales des élections sont encore récents dans vos têtes, et vous avez lu le journal. Vous savez que ces menaces ne sont pas à prendre à la légère. Alors même si l’adresse et l’heure qui accompagnent les mots vous ont tout l’air d’être un piège, vous y allez tout de même, le soir même.
Huitième étage, disait l’adresse. Pourtant, alors que vous arrivez dans le grand bâtiment, que vous montez dans l’ascenseur, vous vous rendez vite compte qu’il n’y en a que sept. Au septième, un escalier emmène au toit, alors vous y allez. La plaque à l’entrée annonçait un bâtiment plein de psychologues, psychiatres, psychothérapeutes. Le toit n’indique rien de plus qu’une grande étendue, avec un rebord trop petit, trop facile à enjamber. Et un néon, brillant, pas si grand que ça, qui ne vous dit que quelques mots alors qu’un clic distinctif se fait entendre derrière vous : « Entre vérité et abandon, il n’y a qu’un pas. » La porte du toit est fermée, et vous êtes bloqués. Alors, que ferez-vous ? Déciderez-vous d’avouer ce qui vous a emmené là, ou choisirez-vous plutôt de mettre fin à cette torture de manière radicale ? Un petit pas pour l’homme …
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Elias Solverson
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For there are devils in the deep, but worst are the ones we make.
L’idée même de la lettre entaille Elias comme les rasoirs qui miroitaient sur le timbre poste. Un frisson parcourt son dos, se tord entre ses omoplates, et il sent une vague nausée monter dans sa gorge alors qu’il se tient en bas de l’immeuble où il est invité. Il voudrait être n’importe où, n’importe où vraiment, à part ici.
L’immeuble se dresse vers le ciel, château gris sur fond gris, et alors qu’Elias en fixe la cime il croit la voir tanguer, et il perd l’équilibre. Un soupir ; il secoue la tête, se passe la main sur le visage. Il aurait dû rester chez lui. Satan est de plus en plus gros, et il est persuadé qu’il va bientôt mettre bas. Il n’en a pas parlé à Aodhan. Il appréhende sa réaction – est-ce qu’il serait contrarié ? Déçu de ne pas être là ? Est-ce qu’il se moquerait de lui, qui est vraiment tout chose à l’idée d’avoir une tripotée de bébés chats dans son petit appartement ?
Voilà qu’il se perd encore dans ses pensées. Il évite peut-être seulement de rentrer dans l’immeuble qui lui paraît de plus en plus glauque et sournois à mesure que les secondes passent. Mais c’est reculer pour mieux sauter. « Je connais ton secret », y avait-il d’inscrit dans l’enveloppe. Tant mieux pour toi, il avait eu envie de répondre. Depuis que son plus lourd secret a été révélé dans la Gazette, il évite les regards de tout le monde, il marche la tête basse dans la rue, il ne regarde plus les clients dans les yeux. Il essaie de disparaître, aussi gris que le bitume qu’il arpente, ne se sentant vivant qu’enfermé entre ses quatre murs avec un café, un livre, Satan et Oblivion qui ronronnent quelque part et la faim qui lui tord le ventre. Qu’est-ce qui pourrait être pire ? Rien, sûrement. Est-ce qu’il veut tout de même tenter le sort, et ignorer le message du Huldufolk, ou qui que ce soit qui se cache derrière ce nom ? Pas vraiment.
Ignorant tous les signaux de son corps qui lui hurlent de s’enfuir à en perdre le souffle, il pousse la porte d’entrée et se dirige vers l’ascenseur. Quand il réalise qu’il n’y a pas de huitième étage, il sent ses mains devenir moites et se mettre à trembler. Quand il arrive sur le toit, il a la gorge nouée et les yeux embués de larmes. La porte claque derrière lui ; il sursaute. Incapable de prononcer un mot, il balaye les alentours du regard, toutes ses forces mises en œuvre pour ne pas se mettre à pleurer, s’asseoir dans un coin et attendre que quelqu’un le trouve, le sauve. Un coup de vent met le désordre dans ses cheveux. Pourvu que quelqu’un arrive. Pourvu que personne n’arrive …
Erreur. Il aurait pourtant dû s'y attendre. C'était trop facile, trop... carré. Trop d'efforts. James n'aurait pas été si loin. La panique le gagne soudain, et il pense à Alex, seul quelque part, comme lui à cet instant, au pied de cet immeuble cinglé par le vent. Il l'avait laissé. S'il lui arrivait encore quelque chose, il ne le se pardonnerait jamais. D'une main, il sort son téléphone et rédige un SMS, qui, il l'espère, lui parviendra. Aucun retour en arrière possible ; il ne connaît pas l'adresse où a été envoyé son petit ami. Et puisque cela devient de plus en plus évident au fil de son ascension que cette farce n'est pas issu de l'esprit tordu de James, il n'a aucun moyen de retrouver Alex. Sauf si ce dernier lui répond et lui dit où il se trouve. Il ne sait pas où lui-même se trouve. Cet immeuble semble vide. Pas abandonné, simplement vide. Comme si toute vie avait été éradiquée, d'un coup, d'un souffle. On dirait une tour qui monte vers le ciel, à perte de vue. Une tour infernale avec pour point culminant les abysses de l'enfer.
Il cherche l'étage indiqué sur sa missive. Le huitième. Il n'y a que sept étages dans ce bâtiment. Une frayeur sourde envahi le jeune homme et s'immisce en lui au fur et à mesure qu'il monte, fou ou curieux, de voir ce que cache le sommet de cet endroit où on l'a envoyé.
Il arrive au plus haut et pénètre sur le toit par une porte métallique qu'il ouvre sans encombre. Le vent le fouette dès qu'il pose un pied sur le sol humide de la toiture plane. C'est grand, terriblement. Il jette un œil à son téléphone : pas de message. Pourvu qu'il aille bien. Pourvu qu'il soit en sécurité. Il se raisonne pour ne pas penser au pire, et s'avance en glissant le portable dans sa poche. A peine a t-il fait deux pas que la porte par laquelle il est arrivé claque violemment, le faisant se retourner d'un coup. Ce n'est qu'à cet instant qu'il aperçoit une autre silhouette sur le toit, un peu plus loin. Un homme, l'air hagard. Il s'en approche avec méfiance et en observant les alentours. Ils semblent seuls. Rien que tous les deux. Qu'est-ce que cela signifie ?
Adel le rejoint d'un pas plus décidé à présent, et s'arrête face à lui tout en désignant sa lettre. « Toi aussi ? » Peut-être n'a t-il rien à voir avec tout ça... peut-être travaille t-il ici. Peut-être qu'il s'agit bien d'une plaisanterie de James... Il n'y croit plus. Y a t-il cru une seconde ? Le jeune homme laisse son regard voguer alentours. Ils sont piégés ici, sur ce toit venteux et humide, au milieu du vide, avec pour seule issue une chute de huit étages... ou un secret révélé. Le cœur d'Adel s'affole, et il pense à son amour, dans un endroit similaire. Pourvu qu'il s'en sorte.
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Elias Solverson
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For there are devils in the deep, but worst are the ones we make.
Le claquement de la porte le fait sursauter. Le bruit du verrou et le souffle se bloque dans sa gorge. Quelqu’un est là. Quelqu’un qui a verrouillé la porte derrière lui. Quelqu’un qui veut être enfermé ici avec lui. Sous l’effet de la panique son cerveau fait défiler devant ses yeux les pires scénarios — un tueur en série, venu le dépecer vivant, ou une confrontation avec quelqu’un de mécontent venu pour lui crier dessus ; peut-être même quelqu’un qui a lu la Gazette et décidé qu’une créature abjecte comme lui ne méritait pas de vivre. Quelqu’un qui aurait sûrement raison. Il sent sa poitrine s’enflammer alors qu’il peine à respirer, refuse de se retourner, de regarder son destin en face. Lâche, pour toujours.
Et puis face à lui vient se placer une jeune homme à peine plus âgé que lui, un air ombrageux sur le visage mais qu’il est presque sûr de ne jamais avoir vu. Il a l’air mécontent, et Elias chercher à rentrer dans le sol. Il perd dix centimètres, se rabougrit, se ratatine comme pour se soustraire au maximum au regard de son interlocuteur. Il lui faut comme ça quelques secondes pour comprendre que l’autre a lui aussi reçu une lettre du Huldufólk : il a une enveloppe similaire à la sienne à la main. Dans sa poitrine, son cœur se calme, juste un peu.
« O-oui je ... Enfin on m’a ... »
Il reprend son souffle, retrouve contenance, et s’il fuit du regard l’existence même du jeune homme qui lui fait face il arrive à finir d’une voix presque ferme :
« On m’a demandé de venir ici. »
C’est tout ce qu’il peut dire et c’est tout ce qu’il sait. Apparemment, ils devaient tous les deux être ici. Cet étranger et lui doivent donc avoir au moins une chose en commun. Selon la lettre, un secret qu’ils cherchent à protéger ...
Nous sommes le six juillet, il est 18h00 - la nuit tombera à 23h30, et le jour se lèvera à 3h30. Les nuits sont courtes, à cette période, et il ne fait pourtant déjà qu'une dizaine de degrés dehors - pour l'instant.
Le mot ne va pas tarder à passer dans la ville : si vous pensez être les seuls enfermés, vous avez tort. A travers la ville, on peut déjà recenser 38 cas d'enveloppes menaçantes, et on compte toujours. On ne sait pas si le phénomène se limite à la capitale. La police, pour une raison obscure, n'est pas dans le commissariat, qui lui aussi sert de prison à certains citoyens. Paniqués, ceux qui cherchent une sortie et ceux qui attendent à la maison ont commencé à appeler, envoyer des messages, tracker les GPS. Un seul problème : trop de communications en même temps ont mené à une saturation du réseau mobile. Vous pouvez appeler, mais l'appel finira par couper, et le réseau est trop mauvais pour permettre une communication efficace - si tant est que l'autre puisse vous répondre. Vous pouvez envoyer des sms, mais le temps d'envoi et de réponse est bien plus long qu'à l'accoutumée. Heureusement, vous n'êtes pas vraiment seuls. Vous avez toujours vos compagnons de cellule.
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Adel Sendelson
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Il devrait pourtant être à l'aise ici, au grand air. Libre de monter au ciel, ou de descendre sur terre. Libre de fuir, pour autant qu'il possède des ailes. Il ne sait pas où est Alex. Un autre toit ? D'autres personnes ? Est-il en sécurité ? Est-il lui, et cet inconnu à l'air perdu, en sécurité ? Ils sont enfermés sur un toit, entre le vide et le rien. Seuls, tous les deux. Qu'attend t-on d'eux ? Adel commence à devenir fébrile. Son cerveau assimile son erreur, et il se sent stupide d'y avoir croit. Fou de n'avoir pas suivi Alex. Inconscient d'être quand même monté, malgré ses doutes et son instinct. Il est paniqué, frustré, en colère. Que veut-on de lui ? Tout le monde a des secrets, mais lui n'en a aucun pour lesquels il est prêt à mourir. En est-il de même pour celui qui lui fait face, la mine déconfite et la voix chevrotante ? Lui aussi est là sur demande. Lui aussi a cédé à la tentation, même s'il semble aussi plein de regrets qu'Adel, dans une version plus angoissée. Le jeune essaye de calmer ses nerfs. Le vent est glacial, et au sommet de cette tour, rien ne vient briser les rafales qui balaient la ville. Il est tard, et la nuit tombera vite. Le jeune homme détaille les alentours, cherchant des yeux une issue, un moment de descendre. Il s'approche du bord et se penche avec prudence. Le bâtiment semble lissé par le vent. Contrairement aux bâtisses typiques de l'île, il est moderne, comme ces buildings d'autres nations. Impossible de descendre en rappel. Et au pied, c'est la mort assurée. Il recule en déglutissant et se tourne vers son compagnon d'infortune, à qui il lance un air qu'il veut un peu rassurant. « Je m'appelle Adel. » Il lui tend la main, en signe de soutien, ou simplement par politesse... S'ils doivent rester ici un moment, autant faire connaissance.
Par réflexe, il vérifie son téléphone. Aucun message. Il décide d'appeler, en dernier recours. Alex ne répond pas. La sonnerie coupe avant même d'atteindre le répondeur, et en regardant sur l'écran, Adel jure. « Le réseau est mort. Qui l'aurait cru, à cent mètres du sol... » Il laisse échapper un rire nerveux et tente de retenir son inquiétude. Il ne sait pas où est Alex, il ne sait rien du tout. Et ça le rend fou. Il commence à faire les cent pas, il a besoin d'action, de faire quelque chose. « Si on reste ici cette nuit on va geler sur place. Il faut qu'on se casse. Le plus vite possible... »
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Huldufólk
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12.07.20 19:18
Il semble que vous êtes de ceux qui ont le moins de temps à perdre. La température diminue bien vite, en Islande, même en plein été, et bien qu’elle n’atteindra pas les négatifs mortels de l’hiver, il est fortement conseillé de ne pas rester immobile trop longtemps. Pourtant, il est difficile de savoir comment se passera la soirée. Derrière vous, la porte fermée. Devant vous, le vide, et rien d’autre. A part si vous regardez de plus près …
Dans la ligne de mire d’Elias, droit devant lui, sur le mur d’un bâtiment trop haut, on distingue une ribambelle de tags, plus ou moins grands, plus ou moins beaux. Des chiffres, des lettres, quelques dessins – difficile de savoir ce qui a un rapport avec votre situation et ce qui n’en a pas. Une phrase, en dessous, en lettres bien plus claires, bien plus nettes, italiques, fines, renvoie un simple message : « Il y a des promesses qui sont pour la vie. » A côté, un simple dessin de deux ombres, qui tiennent toutes deux le même cadenas, comme si elles se tenaient la main.
Si vous vous décidez à vous relever et explorer un peu, vous remarquerez que si la porte par laquelle vous êtes entrés est bel et bien fermée à clefs, une trappe sur le toit un peu plus loin emmène à une entrée de service, s’ouvre sur une échelle qui vous ramènera au septième étage. Seul bémol : un cadenas bloque l’entrée. Il est gros, rouillé, et pourtant semble affreusement solide. Pour l’ouvrir, un code à 5 chiffres semble être nécessaire. Deux solutions s’offre à vous : vous pouvez fouiller le toit pour trouver des indices qui vous permettront de vous sortir de là entiers, s’il en existe, ou la personne qui cache un secret peut le révéler, et peut être que la porte se rouvrira. Enfin, techniquement, vous pouvez toujours aussi faire le grand saut.
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Elias Solverson
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For there are devils in the deep, but worst are the ones we make.
Il n’a pas l’air bien menaçant, le jeune homme qui lui fait face. Il n’a pas l’air d’être de la même trempe qu’Elias non plus. Moins fragile, moins sensible, moins faible. Sa nervosité est différente : mordante, brûlante, elle crépite autour de lui là où celle d’Elias le paralyse. En tout cas, c’est ce qu’il espère quand il l’entend se présenter et qu’il lui tend la main. La sienne est tiède et ferme alors que lui-même referme des doigts moites et mous sur les siens. Il se présente du bout des lèvres, tente un sourire timide. Si l’un des deux doit sortir entier d’ici, ce sera sûrement l’autre. Mais s’ils y arrivent tous les deux, ce sera sûrement parce qu’Adel était là.
Parce qu’ils sont bien coupés du monde. Sans réseau - qui aurait-il appelé, de toute façon, maintenant qu’Aodhan n’est plus là ? -, enfermés, il ne peuvent compter que sur eux deux. Et comme le souligne Adel, il n’ont pas beaucoup de temps pour trouver une solution. En plus, Elias a toujours été frileux. Il laisse son regard vagabonder sur le vide, les bâtiments au loin. Un tag attire vaguement son attention, lui tire un sourire gris. Il soupire, fait quelques pas plus loin du vide. Qu’y a-t-il d’autre sur ce toit ? Il aurait aimé avoir le goût des énigmes, mais il n’a jamais été le plus malin de la famille. C’était Caleb qui savait réfléchir.
Il appelle Adel, pourtant, quand il trouve une trappe dans le sol. Il a manqué de trébucher dessus parce qu’il avait le nez en l’air. Il y a un gros cadenas rouillé dessus. Il n’en connaît pas le code. Sournoisement, l’idée d’un escape game pervers et tordu s’insinue dans son esprit. Et si rien n’était fait au hasard ? Et s’ils avaient été emmenés ici pour participer à une expérience bizarre orchestrée par quelqu’un de malveillant ? Le code serait marqué quelque part ?
« Adel tu ... tu crois qu’on peut le trouver quelque part ce code ? »
C’est sûrement stupide. C’est juste une trappe qui emmène dans un local électrique ou un truc dangereux où ils n’ont rien à faire. C’est fermé parce qu’ils n’ont aucun intérêt à y aller. Pas vrai ?
Elias. Il grave le prénom dans sa mémoire, et parvient à sourire doucement à son compagnon d'infortune, qui semble tétanisé par la situation. Adel ne lui en veut pas, il n'y a rien à faire, et tout le monde ne gère pas le stress en se laissant aller à des accès de colère inutiles. A t-on choisi de l'amener ici plutôt qu'ailleurs en sachant que sur un toit, avec pour seule issue le vide, la folie d'Adel ne pourrait pas s'exprimer aussi efficacement que dans un espace clos où il aurait pu tout démolir simplement pour se défouler ? Là, rien. A part cette porte verrouillée sur la laquelle s'acharner n'aurait aucun sens. Rien que cette angoisse, et cette rage de s'être fait avoir. Il bénissait pourtant ce ciel ouvert, qui lui éviter de sombrer dans une crise d'angoisse claustrophobe et de conserver un semblant de calme.
La présence d'une autre personne l'apaisait aussi ; sans se l'expliquer, Adel s'était toujours senti responsable des autres. Il aurait donné sa vie pour ses proches, mais même avec les inconnus, dans de telles situations, il se trouvait envahi d'un sentiment incontrôlable qui le poussait à protéger l'autre. Il protégerait Elias, quelle que soit la menace. Car il y avait bien une menace. Elle pouvait être invisible, prendre la forme d'une énigme ou d'une voix susurrée dans l'ombre, elle existait bel et bien.
Le jeune homme pris le temps de calmer encore ses nerfs avant de reprendre son exploration du toit. Son compagnon semblait décidé à s'y mettre aussi, et avant qu'Adel ait pu aller bien loin, Elias avait trouvé quelque chose. Une trappe, dans le sol. Fermée d'un cadenas nécessitant un code à 5 chiffres. Comme en écho à ses pensées, Elias mis des mots sur son appréhension. Adel glissa une main qui se voulait rassurante sur son épaule. « Il est forcément quelque part oui. C'est un jeu. Un putain de jeu élaboré par un sale enfoiré que je fracasserai si je le trouve un jour. » Il prends conscience que sa colère remonte en flèche, et qu'il sert peut-être un peu trop fort l'épaule d'Elias. Il retire sa main immédiatement et regarde son compagnon d'un air désolé. «Excuse-moi... ça me rend fou de m'être fait avoir... et c'est tellement malsain tout ça. Je ne comprends pas le but. » S'agit-il encore de cette histoire de secrets balancée au grand jour ? Qui se soucie des cadavres des autres ? Qui est assez tordu pour risquer de briser la vie de quelqu'un en révélant quelque chose qui devrait rester enfoui ?
Un souvenir revient alors à l'esprit d'Adel, et son étrange sentiment de protection envers Elias grandit encore. Elias. Il savait que ce prénom lui disait quelque chose. Et il sait, sans se l'expliquer, qu'il est une des victimes de ces révélations horrifiantes. Il le regarde, entre colère et tristesse. Il voudrait écraser celui qui a osé. Il voudrait réconforter ce jeune homme qui semble si touché par ce qui leur arrive, et qui paraît si fragile... L'était-il déjà avant tout ça ? Il songe alors à leur captivité sur ce toit glacial, et au désespoir d'Elias quand il lui a demandé s'ils trouveraient ce code... Adel s'approche du cadenas et l'observe sous toutes les coutures tout en se mettant à penser tout haut. « Peut-être une date... mais il n'y a pas assez de chiffres.. Ou bien un mois et une année, ce qui exclurait malgré tous les 3 derniers mois de l'année... ou alors ça n'a rien à voir.. et les numéros sont quelque part... » Il relève la tête et observe les alentours avec concentration avant de tomber sur le mur de tags. Il sent qu'il tient quelque chose. « Ici ! » Il se redresse et s'approche du mur, qu'il effleure du bout des doigts. Il y a des chiffres. Y'en a t'il cinq ? Et dans quel ordre vont-ils ? « On va trouver... on va trouver, Elias, je te le promets. Regarde si tu en trouves 5, on réfléchira à les classer ensuite. »
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Huldufólk
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05.08.20 0:20
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Elias Solverson
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Elias ne peut réprimer un pas en arrière devant la colère du jeune homme qui lui fait face. Il comprend pourtant : rien n'est normal ici, rien n'a de sens, rien ne devrait se passer comme ça. Ils sont victimes, tous les deux, d'un jeu tordu. Elias aimerait pouvoir être en colère, lui aussi. Il aimerait être suffisamment attaché à certaines choses de la vie pour craindre de les perdre - il aimerait être suffisamment attaché à lui-même pour refuse qu'on le traite de la sorte.
A la place, il baisse les yeux et déglutit douloureusement, la gorge serrée. Il hausse les épaules face à la colère d'Adel, l'évite, l'ignore, se replie tout au fond de lui même en espérant qu'elle passe. Il voudrait que tout passe. Que tout finisse. A la place, il se dirige vers le mur que lui désigne son compagnon d'infortune.
Tout lui parait agressif, sur ce mur. Tout crie au danger, à la dureté, à la douleur. Il a mal aux yeux rien qu'à le regarder. Mais il doit trouver cinq chiffres. Cinq chiffres qui pourraient ouvrir ce maudit cadenas.
" Hum, A-Adel ? Il y a bien plus de cinq chiffres, ici ... "
Et aucune série qui fasse sens. Il n'a jamais été très malin, Elias. Les énigmes, les situations de stress, ça n'a jamais été pour lui. Petit, il se cachait les yeux devant les jeux télévisés, dévoré par l'angoisse qu'il imaginait émaner des participants. Aujourd'hui, c'est lui le participant.
Alors, quoi ? Il y a une série de lettres, une série de huit chiffres, des mots, des chiffres séparés par des tirets, sauf qu'il n'y en a que trois précédés d'un caractère étrange ... Une seule phrase, tout en bas du mur, fait sens. Un frisson d'angoisse lui traverse l'échine. Il connaît cette phrase. Il en connaît la fin. Elle ne le rassure pas du tout.
Qu'est-ce qu'on veut lui faire dire ? Qu'est-ce qu'on veut lui faire faire ? Il a envie de pleurer, de se laisser tomber du haut du toit pour ne plus avoir jamais besoin de tenir debout. Et puis une voix résonne à ses oreilles.
Aodhan n'aurait pas envie de le voir comme ça. Il serait agacé. Enervé, peut-être. Aodhan aurait cherché une solution. Ou alors il aurait crié et râlé et défoncé le cadenas avec la première chose qui lui serait tombée sous la main. Mais il n'était pas bête, Aodhan. Et en plus, il a laissé ses chats chez lui. Qu'est-ce qu'il dira en rentrant - parce qu'il rentrera, il rentrera forcément ...- quand il apprendra qu'ils sont morts de faim parce qu'Elias s'est laissé mourir de froid en haut d'un bâtiment moisi ?
Au prix d'un effort surhumain, il relève les yeux vers le haut du mur.
" Il y a euh, une série peut-être ... Ca pourrait être un 13, ce premier truc, là ... Du coup, 13, 74, 2 ? Tu peux essayer ? ... ou alors c'est un R ... et le R c'est la- " Il compte sur ses doigts. " -dix-huitième lettre de l'alphabet ... Alors 18, 74, 2 ? "
Il n'a pas envie de mentionner cette phrase menaçante en bas du mur. Il essaie de réfléchir. S'il a trop peur, il ne peut plus réfléchir.
Il sait qu'il en demande beaucoup à Elias, mais quelque part dans ses pensées, occuper le jeune homme calmera peut-être la panique palpable qui émane de lui. Il reste un instant à l'observer, à détailler son visage, son air fragile où il décele pourtant une force que personne ne pourra jamais vraiment comprendre. Parce qu'il a surmonté la révélation d'une part de lui qui aurait du n'appartenir qu'à lui, et qu'il est pourtant là, à fixer le mur qu'Adel lui a montré, et à chercher comment les sortir de ce jeu maudit.
Adel se redresse et fait le tour pour voir si il n'y a pas autre chose ailleurs. La voix d'Elias résonne plus loin, et le jeune homme revient à ses côtés. Plus de cinq chiffres. Il sent la peur et le doute dans la voix de son compagnon, et tente de le rassurer. « OK c'est pas grave, donne-moi ceux que tu trouves, on va faire des essais. » Il doit l'apaiser, ne surtout pas lui mettre la pression. Le temps est compté, mais il ne sont pas sur un radeau en perdition. Si par malheur ils devaient passer la nuit au sommet de cette tour infernale, Adel blottirait Elias contre lui, et leurs chaleurs respectives les sauveraient. Alex enverrait quelqu'un les chercher, il se souviendrait de l'adresse, et en le voyant pas revenir au petit matin, il s'inquiéterait... si lui aussi n'était pas prisonnier ailleurs. Ne pas y penser. Se concentrer. Adel ferma les yeux et tenta d'écarter de son esprit l'image de son petit ami en détresse. Ce n'était pas le moment. En désespoir de cause, il vérifia quand même son téléphone ; rien. Le réseau était mort, et il n'avait aucun moyen de contacter Alex, ni même de savoir s'il l'avait contacté.
Alors qu'il commençait à se laisser gagner par la peur, la voix d'Elias vint à nouveau briser le silence. « J'essaye... » Il tente avec les premiers chiffres donnés par le jeune homme. 13, 74, 2. « Non, ce n'est pas ça. » Elias a repris la parole, et Adel tente avec la nouvelle combinaison, en priant fort le Huldufolk que ce soit enfin bon. Comme un avertissement, un courant glacial vient danser entre eux. Les doigts tremblants de froid, Adel termine de composer la site de chiffres et tire sur le cadenas. Un 'clic' résonne par dessus leur souffle coupé. Adel met quelques instants à prendre conscience ce qui arrive. Il rit de nervosité et relève les yeux sur Elias en souriant. « Ça a marché ! Tu es génial, Elias. » Il se redresse et vient enlacer le jeune homme avant de s'écarter, prenant conscience que la démonstration d'affection est peut-être un peu excessive pour le garçon angoissé qu'est Elias. « Désolé, l'habitude. Viens, on se casse d'ici ! Et je te ramènerai chez toi, si tu veux. » En réalité il n'avait aucune certitude que leur enfer finisse là, mais au moins seraient-ils ailleurs qu'au milieu du vide, à la merci du froid. Il tire sur le cadenas, qu'il glisse dans sa poche - au cas où - et ouvre la trappe sur un escaliers qui semble les plonger dans le noir. « Fais une photo du mur, on ne sait jamais si on peut encore en avoir besoin. » Il hésite un instant et finit par saisir la main d'Elias avant de se poster devant le tunnel. « Du courage. On se lâche pas, d'accord ? Si ça va pas, sers-fort mes doigts, ou crie. »
Adel fouille dans la poche de sa veste et en sort une lampe torche qu'il a toujours sur lui quand il sort, habitude des randonnées en pleine nature. Il l'actionne et braque le faisceau sur l'escalier avant de prendre une grande inspiration. « Quand faut y aller... » Il sait d'avance que sa claustrophobie va le torturer, et il se mord la lèvre pour ne pas céder à la panique. Ne surtout pas montrer à Elias qu'il est au bord de la crise. Au fond, c'est surtout lui qui a besoin de ce contact avec le jeune homme pour ne pas sombrer. Il resserre sa prise sur les doigts d'Elias pour masquer des frissons qu'il ne peut mettre sur le compte du froid.
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Célébrité : 5/10 (Grand timide adepte de la désinhibation médicamenteuse et dont le lourd secret a été révélé en Avril 2020)
For there are devils in the deep, but worst are the ones we make.
Étrangement, la voix d’Adel le rassure. Ao ors qu’il pourrait paniquer, le brusquer ou s’impatienter, celui-ci lui laisse prendre le temps de réfléchir, de se recomposer. Il parviendrait presque à lui faire oublier qu’ils pourraient mourir là s’il ne trouve pas la bonne combinaison. Il a déjà froid, d’ailleurs - où est-ce que c’est seulement un frisson d’anxiété ? Il arrive pourtant à énoncer les chiffres qu’il a en face de lui d’une voix presque ferme.
Les secondes qui suivent sont interminables. Quand Adel lui annonce que la première combinaison n’a pas marché, il sent comme une boule dans sa gorge l’étouffer et menacer de le faire pleurer. Plus qu’une chance.
Et puis le cadenas s’ouvre et Elias laisse échapper un soupir de soulagement. Ils sont entrés. Il ne mourra pas de froid ici. Satan et Oblivion ne mourront pas de faim non plus, délaissés et orphelins oubliés. Il enregistre à peine qu’Adel s’est levé et se dirige vers lui quand il sent ses deux bras l’enlacer et le serrer contre lui. Instinctivement, il se raidit, de cette raideur qui prend ceux qui voudraient qu’on les serre plus fort ou qu’on ne les serre pas du tout. Il ne dit rien, sourit au jeune homme qui s’excuse plutôt pour la forme que pour sa conscience. Ce n’est pas grave. Il préfère ça que de se faire frapper.
Quand il ouvre la trappe dans le sol, Elias comprend immédiatement qu’ils ne sont pas au bout de leurs peines. Un escalier s’enfonce dans une obscurité totale, lourde et sirupeuse. Les mains moites d’Elias laisseraient presque tomber son téléphone, qu’il a attrapé pour prendre le mur en photo - heureusement qu’Adel le lui a suggéré, il n’y aurait pas pensé de lui-même.
« Il nous faudrait une lampe ... torche ..? »
Il a à peine fini sa phrase que déjà Adel sort une lampe de sa poche, de celles qui ne sont pas très grosses mais ont l’air tout de même bien solides. Quel homme étrange. Elias, lui, allume la petite loupiote de son téléphone. Ce sera mieux que rien. Il ne réussira peut-être pas à garder la main de l’autre dans la sienne, puisque ses doigts glissent déjà d’angoisse et de peur.
Il ne veut pas y aller. Il donnerait tout pour être ailleurs. Il se tait. Adel entre en premier. Il ne devrait pas geindre comme un enfant. Isay lui avait appris à ne pas geindre comme un enfant. Isay lui manque. Il raffermit sa prise sur la main d’Adel. Isay est parti.
Si le cadenas s'est ouvert, c'était une illusion du Huldufolk pour se jouer de vous. Pour vous faire croire à votre réussite, simplement pour mieux vous piéger par la suite. Dans le noir, vous avancez et vous vous retrouvez bien vite de nouveau face à une porte imposante, menaçante, fermée par un cadenas à 5 chiffres. Les mêmes graffitis sont encore présents. Le peuple caché souhaite réellement que vous réussissiez cette énigme.
Comme pour vous aider, une lumière sortie de nulle part, comme magique, semble danser sur les dessins. Elle éclaire tout particulièrement éclairer la troisième ligne. "R = 74 = 2". Peut-être la clé du code ? Peut-être pas ? Réfléchissez bien. Pensez aux personnes à qui vous avez fait des promesses. Pensez aux gens autour de vous. Pensez à leurs prénoms, à leurs noms, à qui ils sont. Ou bien alors, parlez et dévoilez tous vos secrets, peut-être que le peuple caché sera satisfait.
codage kusumitagraph | lorelei sebasto cha pour Walk on ice
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