Les copies sont éparpillées sur le grand lit et il y a même une tache d'encre rouge sur un bout de la housse de couette. Elle aurait pu s'installer au bureau placé sous la fenêtre de la chambre, mais son dos lui fait trop mal à présent pour rester assise trop longtemps sur une chaise. Elle a besoin des nombreux coussins qui lui servent à présent de dossier. Il y a de la musique trop forte qui sort de l'enceinte posée sur la table de chevet, mais elle profite de vivre dans une grande maison pour ne pas s'occuper de ce que pourraient bien dire les voisins. Elle n'écoute pas vraiment les chansons d'ailleurs, le bruit de fond l'aide simplement à combler le vide que sa disparition a laissé. Il n'y a plus les bruits de pas rassurants, ceux qui lui rappelaient qu'il était là, même si elle ne le voyait pas. Il n'y a plus la lumière du couloir, qu'il oubliait tout le temps d'éteindre, malgré le nombre de fois où elle avait élevé le ton à ce sujet. Il n'y a plus sa voix, quand il chantait à tue-tête sous la douche. Il chantait faux, mais elle avait toujours trouvé ça attendrissant.
Il n'est plus là et pourtant, il a laissé quelque chose derrière lui. Elle caresse son ventre qui semble grossir un peu plus chaque jour d'une main, l'autre tenant le stylo qu'elle utilise pour noter, écrire et souligner. Elle corrige les copies du dernier examen qui s'est déroulé hier. C'est tôt, elle aurait le temps, mais elle se rappelle que lorsqu'elle était étudiante, elle aimait avoir ses notes rapidement. Et puis, se perdre dans le travail, ça l'occupe. Et surtout, ça occupe ses pensées. Quand elle regarde les feuilles sous ses yeux, elle n'a plus besoin de faire attention à l'absence de bruit de pas ou la lumière éteinte du couloir. Quand elle travaille, elle oublie qu'elle est triste, au moins pour quelques heures.
Invité
17.06.20 10:11
Lorsqu’on t’a présenté ta chambre, celle où tu allais passer du temps, tu n’as pas exprimé la moindre émotion. Tu voyais ça comme une prison temporaire et tu t’imaginais qu’avec de la patience et un comportement irréprochable tout se finirait plus vite. Tu n’avais aucune intention de t’y installer, de te l’approprier. Elle n’était pas à toi. Déjà parce que tu devais la partager avec quelqu’un. Qui ? Oh, ça, c’est dur à dire car les gens vont et viennent par ici, ils ne restent pas toujours. Tu as eu plusieurs colocataires et tu ne peux pas dire que tu as vraiment fait l’effort d’aller vers eux. Tu es solitaire, le genre à grogner quand on te propose d’aller faire une activité de groupe. Les autres ne comprennent pas, ils te disent à chaque fois que tu aimes bien ça avec ta famille normalement. C’est pourtant là le problème, ici, il n’y a pas ta famille, et ce n’est pas ce groupe d’étrangers qui va la remplacer.
Pourtant une part de toi se sent trahi par les tiens. Comment ont-ils pu te laisser là ? Tu ne comprends pas comment ça peut t’aider à aller mieux. Tu te sens pas bien du tout. Tu es seul, incompris et tourmenté par des questions à la con. Tu en as marre du psy qui te convoque régulièrement pour faire le point sur la situation. Tu en as marre des adultes qui te disent que ce serait mieux pour toi de te faire des amis. Ne peuvent-ils pas te foutre la paix ? Et même lorsque ta famille vient, tu n’arrives pas à être content. Tu sais qu’eux, ils vont ressortir et te laisser à nouveau là. Alors souvent tu restes planqué sous ta couette pendant que tes proches sont là à parler pour deux. Tes frères et soeurs viennent un peu, mais c’est surtout tes parents qui sont là. Ta mère pose souvent sa main sur ton dos ou ton épaule et même à travers la couette tu sens sa chaleur se transmettre à toi. Tu as hâte de la retrouver, de pouvoir lui faire un vrai câlin sans la voir disparaître. Tu ne veux pas rester là. Pitié, qu’ils te ramènent cette fois ! Malheureusement, comme toujours, ils disparaissent, après un dernier “au revoir” et une promesse de revenir au plus vite. Tu sens à chaque fois un vide immense qui t’étouffe, mais tu sors de ta cachette, incapable de verser la moindre larme. C’est fini, tu connais assez bien la routine pour ne plus ressentir ça comme un vive coup de poignard.
Finalement peut-être est-ce vraiment ta nouvelle maison. Petit à petit l’idée commence à germer dans ton esprit. Après tout, cela fait plusieurs semaines que tu es là, et personne ne te parle d’en sortir. Ton regard se tourne vers le mur qui est à toi le temps de ton séjour ici. Au fil des jours tu le vois se colorer de posters, de photos de famille, de dessins du plus jeune de la famille, … À chaque fois qu’ils viennent ils te laissent un souvenir ou deux, pensant que tu te sentirais un peu plus à l’aise avec une part d’eux à tes côtés. Tu ne sais pas trop si ça te rend triste ou si ça te fait du bien, mais une chose est sûre tu te sens un peu moins abandonné par les tiens. Ils pensent à toi et ne t’oublient, alors peut-être qu’ils te reprendront si tu fais vraiment un effort pour aller mieux. C’est même l’occasion de tester cette nouvelle résolution, tu vas avoir un nouveau coloc’ de chambre. Qui sait, peut-être qu’avec lui tu pourras te faire un ami et supporter un peu mieux ce séjour par ici.
Accueil 
