Personne n'est venu à la maison depuis qu'il a disparu. C'était trop dur, et même si ça l'est un peu moins aujourd'hui, elle a encore le cœur lourd. Elle triture la bague de fiançailles à son doigt, laissant son regard vagabonder autour d'elle. C'est idiot, mais parfois elle s'attend presque à le voir arriver dans le salon, s'affaler à côté d'elle dans le canapé et jouer avec ses cheveux. Ses yeux s'emplissent de larmes un instant et elle chasse bien vite le souvenir pour garder le contrôle de ses émotions. Elle ne peut pas se laisser aller ce soir, il y a quelqu'un qui vient dîner. Elle essaie de se convaincre que voir à nouveau ses quelques amis est certainement un signe qu'elle reprend doucement le dessus. Enfin parler de la vie qui grandit dans son ventre aussi.
Elle aurait pu dresser une belle table dans le salon, sortir la vaisselle chère et mettre les petits plats dans les grands. Mais ce dont elle a réellement envie, c'est de quelque chose de simple. Elle n'a même pas prévu à manger, Mikjàll a dit qu'il s'en chargeait. Alors, elle se contente d'installer quelques coussins sur le canapé et d'y jeter deux couvertures. La table basse en face d'eux fera l'affaire. Elle ne prend pas la peine d'enlever le pull qui laisse apparaître son ventre arrondi pour le troquer contre l'une de ses habituelles longues robes amples. Ainsi, elle pourra laisser son corps exprimer ce que sa voix a du mal à formuler.
Elle prend une grande inspiration lorsque la sonnette retentit. Elle ne sait pas vraiment pourquoi elle est nerveuse. Peut-être parce que Mikjàll sera le premier de ses amis au courant de la nouvelle bien cachée depuis trois mois. Peut-être aussi parce qu'elle devra avouer que traverser une grossesse seule la terrifie bien plus que ce qu'elle aurait pu imaginer. Jesper n'est plus là, et c'est comme s'il n'y avait plus personne. C'est faux pourtant, elle doit se forcer à ne pas complètement se renfermer sur elle-même.
Elle ouvre doucement la porte, offrant un petit sourire à l'homme sur le perron avant de le laisser entrer dans la maison. "Bonsoir Mikjàll." Elle ne demande pas comment il va parce qu'elle n'a pas envie qu'il lui retourne la question. C'est trop dur de répondre quand elle-même ne le sait pas vraiment. "Avant toute chose, j'ai quelque chose à t'avouer." Elle ne veut pas perdre plus de temps. Ses mains sont un peu tremblantes lorsqu'elle les pose sur son pull, tirant légèrement sur le tissu pour faire apparaître l'arrondi. Elle ne dit rien, elle montre simplement. Il n'y a pas besoin de plus.
(c) DΛNDELION
Mikjàll Esrasson
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Emploi/études : Associé de Jake, à sa boulangerie, et Photographe
Célébrité : 6.5/10 (Ancien Journaliste reconnu, ce fait plus discret depuis quelques temps, connu pour ces photos...)
Have you ever lost someone you love and wanted one more conversation. One more chance to make up for the time when you thought they would be here forever?
Thea & Mik
Tu n’as jamais su la repousser. Sans doute parce qu’au fond de toi, tu sais qu’elle est une partie que tu n’oublieras jamais. Que tu ne voudras jamais réellement effacer. Tu n’as jamais pu oublier son visage, ses cheveux, son rire. Tu n’as jamais pu lui en vouloir. Tu n’as jamais pu faire, comme avec Bérénice et Fenrir, et lui faire du mal pour la repousser. Sans doute, car elle a été la première que tu as aimée. Sans doute, car par-dessus tout, elle a été la première à te voir, à t’aimer, à te rendre heureux. Parce que tu l’as aimée, bien avant Paris, bien avant de t’y bruler le cœur. Tu as aimé Théa, comme une petite-amie, puis une amie. Tu n’as jamais pu lui tourner le dos. Même ailleurs, tu continuais de lui écrire, de prendre de ces nouvelles, de te renseigner. Même loin, tu te souciais d’elle. Parce qu’au fond, comme Athena, elle était une page blanche de ton récit noircit, et tu ne voulais aucunement l’arracher. Jamais. Et si en ce moment, ton cœur est noircit, et tes pensées sont vides, rien ne t’empêche de pensée à elle. Chaque jour, un peu, car tu sais qu’elle aussi, souffre. Dans cette maison bien trop vide, où il ne reviendra jamais. Comme toi. Comme beaucoup trop de gens sur cette Terre. Vous souffrez de gens qu’on vous a prit, et qui ne reviendront jamais. Tu ne lis plus le journal. Ces papiers que tu écrivais avant avec plaisir, tu n’y arrives plus. Tu n’écris plus, tu ne lis plus. Tu ne veux plus rien savoir. Tu ne fais qu’essayer de joindre Aodhan. Tu as longtemps hésité avant de lui envoyer des lettres. Une. Et tu n’as jamais eu de réponses. Et ton cerveau ne veut pas s’imaginer pourquoi. Il ne veut pas.
Tu finis par payer la dame, d’un sourire fatigué tu lui souhaites bonne soirée, et tu te diriges vers chez Thea. Elle t’a quémandé aujourd’hui, et elle est bien une des rares à être encore capable de te faire sortir dehors, avec Jake et Max. Tu es aller faire les courses, et tu te diriges désormais vers sa demeure, tout en repliant un peu tes bras contre toi. Tu dois apprendre à vivre. Tu l’as promis à Aodhan. Tu dois vivre. Pour lui, pour cet enfant que tu as perdu, pour Thea. Tu dois continuer à vivre. Tu lui as promis. Tu viens finalement te poser devant sa porte, et tu sonnes lentement. Sourire. Non, avec Thea tu n’as pas besoin de faire semblant. Thea, elle te comprend. La porte s’ouvre enfin, et tu regardes la jeune femme dans les yeux. « Thea… Bonsoir… » Tu rentres, refermant la porte derrière toi tout en déposant les sacs proche de l’entrée. Alors que tu es pour défaire ton manteau, sa voix attire ton regard curieux. Quelque chose à t’avouer? Et naturellement, quand elle tire sur son pull, tu baisses les yeux. Et tu vois.
Ça te prend un moment à comprendre vraiment ce que tu vois. À réaliser. À vraiment faire le lien. Son ventre arrondit, il n’y est pas pour rien. Et toi tu es là, à observé ça, et tu réalises après quelques minutes, tout l’impact. Heureusement que tu n’avais plus rien dans les mains, tu les aurais sans doute échapper. « Tu es enceinte… » Ce n’est même plus une question, pour le coup, seulement un fait. Et tu tends la main vers son ventre, avant de te figer. Quelque chose en toi se serre. Tu as tué ton propre enfant. Tu n’étais pas là pour lui. Mais… La voix d’Aodhan te revient, comme un écho. Tu aurais fais un bon père, selon lui. Est-ce que c’était vrai? Tu viens lentement saisir la main de Thea dans la tienne, tendrement. « Thea… Depuis combien… Tu es as combien de mois…? » Plusieurs questions te viennent en même temps. Est-ce que Jesper l’avait su? Est-ce qu’il était mort sans le savoir? Mais tu les gardes pour toi, préférant venir la conduire vers la cuisine. « Assit toi… » Tu l’as laisse s’assoir, venant déposer les sacs sur le comptoir pour commencé à sortir ce que tu avais besoin pour le repas. « Est-ce… » Tu hésites. « Comment tu le vis, Thea? Je sais que ça ne peut pas être facile, pas sans lui… Mais je veux t’entendre m’en parler. Ça te ferra du bien… Je suis le premier… au courant? »
Ils ont toujours l'air un peu moroses tous les deux, plus encore lorsqu'ils sont dans la même pièce. Parce qu'ils n'ont pas besoin de se forcer en compagnie de l'autre et que les faux sourires n'ont pas besoin d'étirer les lèvres pour tout de même pouvoir passer du temps ensemble. Quand elle le voit, la blonde se dit qu'il lui a manqué. Elle n'aurait pas cru, elle qui ne pensait plus pouvoir voir personne, si ce n'est Askja. C'est instantané, pourtant. Une douceur du passé, une présence réconfortante qu'elle avait presque oubliée. Il est le premier de sa vie d'avant l'accident qu'elle contacte. Il sera le premier à savoir. Les trois mois sont passés, il est temps à présent. Elle en a besoin.
Ses doigts blancs tirent doucement la laine. Elle ne regarde pas vraiment l'arrondi de son ventre, elle le connaît déjà par cœur, même si elle a l'impression de le voir s'agrandir de jour en jour. A la place, ses iris bleutés se posent sur le visage de Mikjàll. Silencieuse, elle observe. Elle ne s'attend à rien et pourtant, elle espère tout de lui. Sûrement trop. De la compréhension et du soutien. Simplement le fait de ne plus se sentir seule à porter ce petit être, le dernier souvenir de l'amour de sa vie. Le seul et le plus important à la fois. Une petite part d'eux deux, qui grandit là, à l'intérieur d'elle.
Elle peut voir les questions se bousculer en lui. Elle peut lire une once de tristesse et un soupçon de pitié dans son regard. Elle ne lui en veut pas pourtant, comment le pourrait-elle ? La grande main recouvre la sienne et elle suit sans batailler. Elle s'assoit, réfléchit un instant à toutes les informations qu'elle doit livrer. C'est douloureux, mais nécessaire. "Un peu plus de trois mois. Je l'ai découvert quelques jours après sa mo..." Sa voix flanche un instant et c'est compliqué de prononcer les mots pourtant si évidents. "Après sa disparition."
Elle observe les victuailles posées sur la table. Elle se dit qu'elle a un peu faim, mais que son estomac est un peu noué. Elle se dit qu'elle devrait parler, mais sa gorge est un peu sèche. Elle se dit aussi qu'elle ne pleure pas d'ordinaire. Que ses larmes, elle ne les montre qu'à son reflet dans le miroir. Pourtant, elle cligne des yeux et les perles salées coulent, contre sa volonté. Elle n'est pas vraiment triste. Elle est presque soulagée. Elle ne sait plus vraiment, elle a le sentiment d'avoir les émotions en vrac ces temps-ci, de ne plus vraiment les contrôler. "Je suis désolée, je ne sais même pas pourquoi je pleure. Je vais bien Mik, vraiment."
Alors, à la place, elle vient piquer une tomate cerise ramenée par son ami et elle prend le temps de sentir la fraîcheur du fruit rouge se répandre en elle avant de reprendre la parole. "Tu es le premier au courant. Je voulais attendre d'être certaine que tout aille bien avec le bébé avant d'en parler, je voulais attendre d'avoir la force de l'avouer aussi." Et comme toujours ces derniers mois, sa main vient caresser son estomac, un geste si rassurant qu'il arrive à la calmer. "J'ai un peu peur sans lui. Cet enfant... Il aurait dû le rencontrer. Il aurait dû le tenir, lui sourire, lui apprendre à marcher, à parler... Il aurait dû être là. Et je suis seule à présent, et j'ai peur de ne pas être à la hauteur."
(c) DΛNDELION
Mikjàll Esrasson
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Thea & Mik
C’est naturellement que tu viens l’aidé à s’assoir sur le divan, alors que tu poses les choses que tu as acheté sur la petite table du salon : Vous mangerez après, quand tu seras capable de préparé un repas sans être envahit de questionnement, d’inquiétude. Tu la sais forte, Thea. Elle l’a toujours été, c’était la première chose qui t’avait frappé avec elle. Sa force, qui allait pourtant si bien avec sa délicatesse également. Tu te rappelais encore cette époque tendre, où encore jeune, adepte de vie, vous vous étiez aimés. Vous étiez jeunes à l’époque, des adolescents, mais pourtant, cet amour t’avait frappé, car Thea avait ce je ne sais quoi qui t’avait empêché, même des années plus tard, à la détester. Alors c’est d’un naturel qui pourrait en surprendre plus d’un que tu te fais doux avec elle, alors que tu attends qu’elle soit bien assit sur le divan, pour venir te tirer une chaise et t’assoir à ses côtés. Tu viens sortir quelques petites choses du sac, les trucs rapides à manger, des légumes déjà coupés, des victuailles ici et là, et tu concentres ton attention sur elle, pleinement sur elle. Vous êtes assit l’un à côté de l’autre, toi un peu devant elle. Deux êtres détruits par la vie, détruit par le temps. Jesper ne saura jamais. Elle l’a découvert après sa mort, comme un dernier cadeau, un dernier discours livré, mais sans aucun témoin, sans lui. Il ne le saura jamais, car il s’est envolé. Comme ton amoureux. Aodhan n’aura eu le temps que de comprendre ton amour pour lui, d’un simple baiser, avant de disparaitre. Tes lettres n’ont plus de réponses depuis des mois, et même si tu ne veux pas te le dire, tu sens une partie de toi réalisé que lui aussi, il est parti. Lui aussi, vous n’aurez jamais de dernière conversation, des derniers aveux. Tu ne sauras jamais sa réponse à ton amour, à ton je t’aime. Tu n’auras que son baiser en souvenir… Et Thea, elle n’aura que cet enfant qui grandit en elle. Un enfant.
« Tu as le droit de pleurer, Thea… » Murmures-tu lentement, tout en venant saisir une de ces mains dans la tienne pour venir la serrer avec force, comme lui apporter ton soutient, ta compréhension, ta tendresse. Tu viens serrer sa main dans la tienne, alors que ton autre main vient effleurer avec délicatesse sa joue de porcelaine pour y nettoyer la larme, lentement. Tu as rarement été si délicat avec quelqu’un, et pourtant. Tu l’as été, à une époque. Une époque que seule Thea se souvient. « Je suis là, maintenant, je ne te laisserais pas, Thea… Pas toute seule… » Tu viens doucement reposer ta main sur sa main, pour la garder contre toi, tout en gardant tes iris plongés dans les siens. « Je… Je vois, oui… »
Une partie de toi était ‘honoré’ d’être le premier. Non pas honoré, comme soulagé. Soulagé qu’elle vienne se tourner vers toi, alors que tous se détournaient de toi, à raison. Tu viens t’assoir sur le divan avec elle, doucement, venant glisser ton bras autour d’elle pour venir la serrer contre toi, légèrement. « Tu serras à la hauteur, Thea… Je… Je sais, il aurait dû être là, tu as raison, mais cet enfant… Cet enfant, c’est une partie de lui, une partie qu’il t’a laissé en souvenir pour que tu puisses… continuer à vivre, même sans lui. Et tu es… Tu es impressionnante, Thea, tu n’as pas idée. Même adolescent, je te trouvais si forte, si pleine de tendresse… Tu arriveras à élever cette enfant, parce que tu es toi, Thea. Et parce que cette enfant est l’union de deux personnes qui s’aimaient plus que tout au monde… Je le sais, Thea. Tu en serras capable, et surtout, tu ne serras jamais seul. Je suis là, non? Je… Je ne peux pas remplacer personne, mais je peux aidé. J’aiderais toujours… » Tu viens effleurer ses cheveux, venant les replacer derrière ses oreilles en souriant. « Tu es ma meilleure amie, je ne te laisserais pas… »
Elle réalise à cet instant que la tendresse de Mikjàll, c'est exactement ce dont elle a besoin. Elle a besoin de cette main qui vient la guider avec douceur pour pouvoir suivre en fermant les yeux. Elle a besoin de son regard empli d'amour, un amour ardent autrefois et rassurant à présent. Elle a besoin de parler pour ne plus garder pour elle ce secret de plus en plus encombrant. A la fois magnifique et terrifiant. Un secret qu'elle se doit de révéler avant que son ventre, trop gros, ne le fasse à sa place.
Les larmes coulent, mais elle n'est pas certaine que la tristesse en soit la cause. Elle a déjà trop pleuré la disparition de celui que l'univers lui a arraché si soudainement et elle ne veut plus pleurer en pensant à lui. Parce que si son absence est toujours aussi douloureuse, elle veut pourtant se rappeler les meilleurs moments de son passage sur cette Terre, lorsqu'il était encore à ses côtés. A l'aimer, à la faire rire et à lui faire tourner la tête de bonheur. C'est comme ça qu'elle veut se souvenir de lui, plein de vie. Elle ne pleure pas dans ses souvenirs, alors elle ne veut plus pleurer maintenant non plus.
Les yeux de la blonde suivent avec attention les gestes tendres de son ami. Elle voudrait le remercier de prendre autant soin d'elle, mais elle sent au fond d'elle qu'elle n'a pas besoin de le faire. Il sait déjà tout. Alors, quand il s'installe tout à côté, elle laisse son corps fatigué s'appuyer sur le pilier qu'il représente. Ses mots sont remplis d'une sincérité qui arrive à doucement amoindrir le poids écrasant sur ses frêles épaules. Si Mikjàll pense qu'elle sera une bonne mère, alors pourquoi pas, après tout ? "Tu es trop bon avec moi, Mik." Sa voix est aussi ténue qu'un chuchotement, mais elle sourit un peu, au travers des dernières traces salées presque entièrement séchées sur ses joues pales.
"Je donnerai le meilleur pour cet enfant. Je l'aimerai à en crever. Je ferai tout en mon pouvoir pour le rendre heureux." Elle ne parle plus vraiment à personne en particulier. C'est davantage une promesse qu'elle scelle ici et maintenant, avec elle-même et entre ces murs qui ont vu tellement de choses. Elle ferme les yeux un instant, prenant une grande inspiration pour finir de replacer le torrent d'émotions qui a soudainement fait rage dans son cœur.
Quand ses paupières s'ouvrent à nouveau, ses iris sont posés sur le visage de son ami. Et elle sourit. Elle sourit vraiment. Elle sourit sincèrement. Un remerciement silencieux, aussi. "Toi, tu pourras lui apprendre à écrire." La plume de journaliste a toujours fasciné Thea, après tout. "Mais avant de passer à table, parle-moi Mikjàll. Je te sens triste et je veux t'aider." Son index vient se poser sur le visage de l'homme, venant tracer la ride d'inquiétude entre ses deux sourcils, passant un instant sous les yeux qui paraissent un peu éteints. Il est là pour elle, elle veut être présente en retour. Elle veut le voir sourire, lui aussi.
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Mikjàll Esrasson
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Thea & Mik
Être là pour Thea avait toujours semblé, à tes yeux, une évidence même qui contrastait avec cette solitude dont tu t’étais nourrit pendant des années. Dire que tu n’avais pas tenté, plusieurs fois dans le passé, de mettre fin à votre relation serait mentir. Quand tu étais revenu de Paris, l’esprit embrouillé par la douleur et la perte d’Aodhan, tu avais tenté de la perdre de l’éloigne de toi. Tu avais tenté par tous les moyens de te débarrasser d’elle, comme de tes autres ancrages, pour ne plus t’accrocher à celui que tu avais été, à celui qui pouvait facilement être blessé. Mais tu n’avais jamais pu renoncer à elle, jamais. Sans doute parce que, à une époque, elle était celle à te faire ressentir le plus de chose réel. Sans doute parce que, pendant un temps, Thea avait été celle dont tu t’étais éprit, à tel point que tu aurais bruler tes ailes pour être à ses côtés. Sans doute parce que tu n’avais jamais été un sans cœur, Mik. Et encore à ce jour, alors qu’Aodhan disparait de ta vie, que son fantôme fait office de présence dans ton condo, que tu ne prends plus gout à ton travail, et que tes cauchemars sont remplit de cadavres, c’est vers elle que tu te tournes. Une nouvelle fois, comme à l’époque. Ton premier amour, ta meilleure amie… Elle pleure contre toi, et toi, ta main se resserre sur la sienne pour approfondir votre contact, pour vous y accrocher, tout les deux. Et comme toujours, tu te montres tendre avec elle, patient, tes doigts caressant ses cheveux, sa peau, déposant des mots choisit : Au moins, tu as toujours été bon avec tes mots, avec ce que tu veux exprimer.
« Qui te dit que ce n’est pas toi qui est très bonne avec moi? » souffles-tu en souriant un peu, alors que tes doigts s’accrochent au sien, que tes iris se baissent un peu sur son ventre. Mais tu ne t’autorises pas à le toucher, ni même à y poser ton regard trop longtemps. Tu n’apportes que malheur. Tu l’as bien compris désormais. Tu sens encore le sang de ton enfant sur tes mains, qui te brule, qui parsème tes rêves de sa présence. Les mots de Thea te frappe, alors que tu la regardes glisser sa main sur son ventre, que tu l’entends promettre une telle chose. Toi, tu n’as plus personne qui compte sur toi pour les protéger. Tu as tout gâché. Tu as tout raté, comme toujours. Mais désormais, tu n’as plus la force d’être violent, d’être manipulateur, d’être celui que tu avais essayé d’être. Désormais, tu n’as plus la force pour grand chose, si ce n’est que prendre soins du peu de gens qui reste. Et Thea, tu l’as protègera peu importe ce que cela te coute.
Vos regards se croisent, et tu viens doucement t’approcher d’elle, souriant un peu malgré ton regard éteint, malgré la douleur qui fait rage dans ton cœur, malgré tout. Parce que Thea, elle ne mérite pas ta peine. Tout ce que tu veux, c’est être là pour elle. « Ça me ferait plaisir de lui apprendre Thea. » Tu es pour te lever, un sourire aux lèvres, pour préparer le repas, mais sa main effleure ton visage et ces mots te font figer, alors que tu sens tes iris se fermé par reflexe, pour t’empêcher de pleurer. Tu as trop pleuré. Tu ne sais même plus si tu as des larmes en réserve. Tes yeux se rouvrent, lentement, tout en venant appuyer ton visage contre sa main un moment. La vérité, c’est que tu as été silencieux pendant trop longtemps. La vérité, c’est que tu ne sais même plus comment répondre à cette question.
La vérité, c’est que tu n’as jamais dit une seule vérité sur tout ce qui s’est passé dans ta vie, Mikjall.
Tu te lèves lentement, tu fais quelque pas, tu effleures les marques que tu t’es infligé sur tes bras, il y a de ça quelques jours. Tu repenses à cette salle sombre où James t’a enfermé pendant des heures, jusqu’à ce que Jake vienne t’en délivrer. Tu te rappel des coups, des cris, des bombes qui résonnent. Tu te rappel avoir désiré mourir. Tout pour que cela cesse. Tout. « Tu te rappel Thea, quand nous sortions ensemble… Je t’avais dis que… ma relation avec mes parents allaient de plus en plus mal. Que partir à Paris me délivrait d’eux. La vérité, c’est que Paris n’a fait que me détruire… Parce que j’y ai rencontré la première personne que j’ai aimais plus que je n’aie jamais rien ressenti. » Tu te tournes vers elle, lentement, tout en effleurant tes avant bras, lentement. « Je l’ai aimais, Thea, sans jamais m’en rendre compte. Nous ne venions pas du même monde du tout. C’était un criminel, un homme sur qui je devais simplement écrire… Et pourtant, quand on m’a arraché à lui, jamais je n’ai autant souffert. J’ai préféré garder ma peine en moi, et mes parents et moi, on s’est beaucoup disputés après ça. J’ai préféré… me mourir dans le silence, et devenir quelqu’un d’autre. J’ai gardé tout pour moi, tout le temps. J’ai fais des choses horribles, Thea. J’ai trompé des gens, j’ai détruit des compagnies par vengeance, j’ai blessé des gens, j’ai brisé des familles, des couples… Et j’encaissais sans rien dire. » Tu glisses tes mains dans tes cheveux lentement. Tu aurais envie de pleurer, mais tu ne sais plus où chercher les larmes. « J’ai été en guerre, en tant que journaliste. J’ai vu des gens mourir, souffrir. J’ai été frappé, je me suis fait tiré dessus, j’ai souffert. Sans jamais rien dire. C’était plus simple comme ça. Rien ne m’importait vraiment, Thea… J’ai… j’ai perdu un enfant, sans jamais avoir su qu’il avait existé. J’ai perdu un ami, que j’aurais voulu protéger de tout. J’ai retrouvé Aodhan, ce criminel de Paris, pour le perdre de nouveau. Comme un fantôme qui me suit désormais. » Tu te retournes vers elle, croisant son regard, alors que la vérité sort, que les mots effleurent tes lèvres, des paroles que tu n’as jamais osé dire avant aujourd’hui. « La vérité c’est que j’ai menti toute ma vie, Thea… Je ne fais que mentir, et… me taire dans le silence, pour éviter d’avoir mal. Et désormais, je ne sais plus comment m’en sortir, Thea… Tout… Tout fait tellement mal… » Et enfin, les larmes coulent sur tes joues, comme une délivrance. Parce que enfin, tu as parlé.
Parfois, quand la blonde pose ses yeux sur Mikjàll et qu'elle le regarde avec attention, elle a l'impression de se retrouver en lui. Derrière les fausses carapaces qui ne font que rendre la vie plus douloureuse, elle sait qu'elle est comme lui. Ils sont de ceux qui paraissent froids et hostiles parce que c'est plus simple de cacher les sentiments encombrants et les émotions qui font perdre le contrôle. Ils sont de ceux qui parlent rarement, qui accumulent tout en espérant que jamais ça n'explose et qui changent, parce que c'est impossible de prétendre que rien ne peux les affecter. Peut-être que c'est pour ça qu'elle n'a jamais pu se passer de lui, même alors que leur amour n'était plus le même. Parce que lorsqu'il est là, elle n'a pas vraiment besoin de faire semblant d'être forte.
Elle pleure et il est là. Il a toujours été là et au fond, elle sait qu'il le sera jusqu'à la fin. Les larmes sont un mélange de détresse, de soulagement et de satisfaction. Elle est heureuse de savoir qu'il sera là, que son enfant aura la chance de le connaître. Mikjàll ne se voit pas comme elle le voit. Comme l'homme à la fois fort et sensible, aimant et terriblement rassurant. Elle aimerait arriver à lui faire comprendre à quel point il n'est pas le monstre qu'il pense être, mais contrairement à lui, Thea n'a jamais été très douée avec les mots. Bien plus habituée des livres de science que des romans aux beaux écrits. Pour lui, elle veut essayer pourtant.
C'est lui qui pleure à présent. La tirade a été longue et douloureuse. Elle sent que les paroles ont été refoulées trop longtemps et qu'il était temps qu'elles sortent. Elle comprend un peu mieux le combat sans fin qui a lieu dans le cœur de son ami et elle a mal pour lui. S'il suffisait de le toucher pour prendre un peu de sa peine et l'aider à la supporter, alors elle ne lâcherait plus jamais sa main. Mais rien ne peut être aussi simple dans la vie. Elle reste silencieuse, ne voulant pas risquer de le couper alors qu'il semble enfin prêt à se confier. Ce n'est que lorsqu'il se tait qu'elle se lève à son tour.
Elle s'arrête un instant devant lui, posant son regard empli d'affection sur les perles salées qui coulent sur ses joues. C'est une vue un peu triste, mais rassurante aussi. Pleurer fait du bien. C'est le début de quelque chose. Un déblocage qu'elle est presque satisfaite d'observer. "Mik, tu n'es pas une personne horrible et pour aller mieux, je crois que tu dois arriver le croire." Ses doigts s'emparent doucement de sa main, son pouce caressant avec tendresse la peau. "Il n'y a pas une personne sur cette Terre qui n'a pas un jour fait quelque chose de mal parce qu'il souffrait trop. Et toi, tu souffres tellement, depuis trop longtemps et bien plus que la majorité des gens. C'est injuste, j'aimerais tellement pouvoir t'aider à porter cette peine." Elle souffle un peu avant de se rapprocher encore et de prendre l'homme dans ses bras.
Une de ses mains vient doucement jouer avec ses cheveux tandis que l'autre trace des ronds sur son dos. "Tu as essayé de mentir et de te taire, mais tu as mal. Alors, pourquoi ne pas essayer de parler à la place ? Je sais que c'est compliqué et que ça fait peur. Oh, crois-moi, je ne le sais que trop bien. Mais Mik, quand je te parle, ça va mieux. Quand je me confie à toi, le poids sur mes épaules me semble un peu moins lourd et c'est un peu plus facile de respirer." Le menton de la blonde vient se poser sur l'épaule de l'homme et l'ombre d'un sourire vient lentement étirer ses lèvres. "Quoi qu'il arrive, tu ne pourras pas me perdre. Il n'y aura rien que tu puisses me dire qui me fera fuir. Parce que je te connais, Mikjàll. Alors, accepte de me parler. Je suis là. Et je suis certaine qu'il y a d'autres personnes ici pour t'écouter. Tu n'es pas aussi seul que tu le penses."
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