Le rideau se lève sur cette journée, et elle sera fabuleuse. Le ciel est gris, pourtant, et le froid commence à se faire rudement sentir dans la petite île de glace, mais Paolo sort de son lit en ne traînant que modérément des pieds pour atteindre son petit déjeuner – équilibré bien sûr. Aujourd’hui, il rejoint Monica. Aujourd’hui, tout ne peut que bien se passer. Une sombre histoire de manque de costumes pour l’un des rôles secondaires, et un essentiel besoin proclamé de sa part de mériter une nouvelle fausse épée et de la part de la blonde de désirer une énième fourrure avaient suffi à les embarquer dans ce périple. Alors aujourd’hui, il allait devoir être à la hauteur de se tenir à son bras, et pour cela, il s’était levé trois heures en avance, dans l’optique de passer beaucoup trop de temps dans la salle de bain en espérant fortement ne pas réveiller le bébé, et surtout, ne pas se retrouver avec sa bave sur son t shirt tout propre.
Les minutes s’écoulent bien trop vite, mais vingt minutes avant l’heure, il est prêt, il dit au revoir dans le vide et s’engage dans cette nouvelle aventure. Le métro bondé ralentit un peu ses ardeurs, mais il finit par arriver, pile à l’heure, pour se planter devant le magasin attendu en arborant un petit sourire affable en guise de réponse à tous ceux qui le regardent un peu trop longtemps, se demandant sans doute ce que fait cet homme étrange au long manteau en cuir d’un autre temps avec des lunettes de soleil qui ne filtrent rien sur les yeux, en plein mois d’automne.
Il attend un peu, mais il le savait. Les grands comédiens se font toujours attendre, et c’est sans doute l’une des choses qu’il regrette le plus de ne pas avoir réussi à maîtriser. Lui, il était prévisible, on pouvait compter sur lui pour être là à l’heure, pour être au bon endroit, pour connaître les jours où il n’y avait pas trop de monde dans les magasins, pour être le bon pote, pour être prévisible, somme toute. Ce n’ était pas son intention, pourtant. Il était presque sûr qu’il était surprenant, parfois. Les choses du quotidien n’étaient pas son rayon d’expertise, voilà tout. Oui. C’était celui de Monica, peut être. Ca devait l’être. Mais tout était le rayon d’expertise de Monica.
Il la cherche des yeux, et a presque envie de sourire tristement en se disant qu’il n’a jamais réellement arrêté de le faire, de toute façon. De scanner la foule à la recherche de son visage, de l’attendre avec le cœur qui bat trop vite et ses mains qui transpirent un peu, comme un adolescent. Il n’a jamais arrêté d’espérer, peut être, qu’elle traverse la foule un jour, à la manière d’une héroïne de tragédie, en criant son nom pour lui dire que ça y est, elle sait, elle se souvient, et il lui a affreusement manqué. Mais quand les cheveux blonds familiers entrent dans son champs de vision, c’est encore lui qui commence à traverser la foule à grands renforts de cris dramatiques.
« Monica ! Monica ma chère ! Où êtes-vous ? »
L’accent italien pourtant léger devient plus prononcé à chaque mot, et quand il attrape l’une des mains de son amie pour la tirer au travers de la foule et contre lui, passant un bras salvateur le long de sa taille pour la protéger d’une chute qu’elle ne risquait sans doute pas de faire, il doit déjà la relâcher parce que ses mains parlent avec lui, et parce qu’il a besoin de son cœur.
« J’ai bien cru que tu n’arriverai jamais. Ca fait vingt minutes, au moins ! »
Il lui a déjà pardonné, et il avait prévu le retard, de toute façon.