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For dreams, too, are ghosts, desires chased in sleep, gone by morning. | Tristan
Elias Solverson
Elias Solverson
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25.11.19 22:32
For dreams, too, are ghosts, desires chased in sleep, gone by morning.
Elias & Tristan

« Every child finds a day when they realize that adults can be weak and wrong just like everyone else. After that day, you are an adult. Like it or not.  »
Un souffle. Un cri, presque. Un hurlement muet, un visage déformé de douleur. L’oreiller est humide, la poitrine tordue de peine. Elias fixe le plafond, se noie dans les larmes qui continuent de rouler sur ses joues. Sa main blanche est tendue vers le plafond, crispée dans un appel au secours ; sa main noire, elle, couvre une partie de son visage, l’enserre, l’étouffe. Il le voit encore. Il se voit encore dans les yeux de son frère qui se tenait en face de lui encore une seconde plus tôt, avec son regard doux transfiguré par la colère, par la peine, par l’incompréhension.

La nausée prend le jeune poète. Il roule sur le côté, sent une bouffée de chaleur familière. Il se laisse tomber au sol, à quatre pattes, se traîne sur le plancher froid dans une hâte désespérée. Une partie de la couette tombe avec lui, traîne derrière lui jusqu’à la porte de la salle de bain. Derrière lui, un bruit de chute lui indique que le cendrier est tombé. Il ouvre la porte, se laisse tomber sur la cuvette de porcelaine, régurgite tout son repas - a-t-il seulement mangé ? Un flash derrière ses paupières, encore - le regard de Caleb -, un autre - un corps mort dans le couloir de l’hôpital. Un gémissement s’échappe des lèvres du blond, et un autre haut le coeur le secoue. Un corps mort, mort, mort, du sang - il y avait du sang, du sang partout, et il était mort, il voit encore ses yeux vides et sa vie arrachée, et il sent encore la main d’Isay se poser sur ses yeux et - et il vomit encore, et Isay n’est plus là lui non plus.

Les larmes roulent sur ses joues à l’infini alors qu’il vide sa peine et sa bile dans des soubresauts pathétiques. Isay est parti lui aussi. Il est revenu et il a rapporté avec lui tout ce qu’ils avaient laissé derrière, et puis il a disparu à nouveau comme s’il ne comptait pas. Il est seul, si seul, alors peut-être que son frère mentait en fin de compte. Peut-être que Caleb mentait quand il disait que ce n’était pas grave d’être différent, quand il disait que plein de gens aimaient ceux qui n’étaient pas vraiment comme les autres, quand il disait qu’il devait embrasser sa sensibilité et que ça le rendrait fort. Il mentait, il mentait sur tout, et Elias crache un reste de colère avant d’être emporté par la tristesse.

Ils partent tous. Ils partent tous et lui reste seul, ballotté au milieu de la vie, si petit dans une ville trop grande, seul avec sa peine, oublié incapable d’oublier. D’un poing rageur, il frappe le mur à ses côtés, se fait un peu mal, et pleure encore un peu. Et puis il entend encore une voix dans sa tête, et il ne sait pas si c’est celle de Caleb, d’Isay et même de Simon, une voix qui lui dit de sortir, de sortir d’ici, parce qu’ici il macère dans sa douleur tant et si bien qu’il ne peut même plus écrire. Sans vraiment comprendre comment, ni pourquoi, il se redresse mécaniquement, fait disparaître son cauchemar dans les canalisations, mâche un peu de dentifrice avant de s’habiller pour sortir. La nuit pourrait être bientôt finie si le soleil se levait un jour - au beau milieu de l’hiver, il ne poindra pas avant dix heures ou dix heures et demie, et les chiffres rouges sur sa table de chevet indiquent qu’il a à peine dépassé cinq heures trente. La nuit aura été longue, aujourd’hui. Presque entière.

La porte claque derrière lui et ses pieds s’enfoncent dans la neige. Il a encore envie de pleurer. La ville va bientôt s’éveiller et il voudrait s’endormir pour ne plus jamais se réveiller.

Il ne sait pas combien de temps il marche. Il ne sait pas où il va, ni même à quoi il pense. Il voudrait chasser de sa tête les visages de ceux qui l’ont aimés et l’ont laissé tomber. Il se dit un instant qu’il a laissé son téléphone et tous ses papiers chez lui et qu’il n’est pas certain de retrouver son chemin tout seul - mais au final, a-t-il réellement envie de retrouver son chemin ? Il préfère bien se perdre, marcher pour toujours, jusqu’à tomber dans la neige et rester là, figé dans le temps et dans la glace pour toujours.
(c) DΛNDELION
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Tristan Atlasson
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29.12.19 19:27
Ca n’a pas beaucoup de sens, de sortir de chez soi à cette heure là, quand on y réfléchit bien. Rien de ce qu’il fait n’a beaucoup de sens, depuis quelques temps, depuis des années sans doute, depuis toujours peut être, de toute façon. Ses yeux se sont ouverts comme s’ils ne s’étaient jamais fermés, et il avait regardé les aiguilles de son horloge rester immobiles avant de décider de s’échapper du confort des draps pour s’habiller chaudement et partir sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller ses colocataires, les clés à la main. Il n’a pas d’endroit où aller, pas vraiment, et pourtant, il n’a rien d’autre à faire que d’y aller. Le travail ne commence pas avant dans trois heures environ, et s’il ne travaille pas, que peut-il bien faire pour tuer le temps ? Rien, sans doute. Rien d’autre qu’attendre et essayer de retrouver un amour et un émerveillement pour le monde qui l’entoure en se promenant dans les rues de la capitale plutôt que de rester dans le noir avec l’indifférence qui lui lacère l’esprit.

Elle est jolie, Reykjavik, la nuit. Elle est douce et froide et calme et vide, un peu comme lui, un peu comme eux, sans le vouloir, chatons égarés qui ne veulent pas s’aider eux-mêmes. Il erre dans ses ruelles en espérant se perdre, mais finit toujours par reconnaître un immeuble, un nom de rue, un paysage, condamné à chercher quelque chose de nouveau dans cette ville qu’il a déjà arpenté des millions de fois, dans laquelle il a grandi, qu’il a exploré de fond en comble en tenant la main de gens qui n’ont plus de main à lui tendre désormais. C’est peut être le hasard, peut être le Peuple Caché, peut être un coup du destin, peut être un instinct qui l’a poussé à sortir en même temps que lui avait besoin d’une main tendue, pourtant. Il l’aperçoit, de loin, alors qu’il abandonne sa marche et s’appuie contre un mur pour respirer un peu, pour laisser son corps récupérer, cet éclat presque blanc de cheveux et cette peau trop pâle. Il a l’impression que c’est lui, est persuadé que non, soupire en murmurant son nom, se demande s’il voit des fantômes, sent son cœur battre un peu plus vite.

« … Elias ? » C’est un murmure, de nouveau, mais la figure s’éloigne déjà, se fondant presque dans la neige du paysage, comme si elle n’avait rien entendu, comme si elle n’était pas vraiment là. Ce n’est sans doute pas lui. Il n’y a peut être personne. C’est peut être un mauvais présage, cette figure qui s’enfonce dans le brouillard de l’hiver, dans cette nuit trop sombre, ce blanc qui se détache tant du noir environnant. Elias ne doit pas être là, il n’a aucune raison d’être là. Il lui semblait avoir entendu dire qu’il était en France, la dernière fois qu’il en avait entendu parler. Il devait être au soleil, quelque part où la vie et l’été pouvait réchauffer son âme et faire naître un sourire sur ses lèvres, et pas sur cette terre glaciale où la nuit était maîtresse. Il devait être ailleurs. Il était peut être rentré pour les vacances. Il était peut être … non. Il avait promis.

« Elias ! » Tristan l’a suivi, sans même s’en rendre vraiment compte, et il n’hésite pas une seconde à poser sa main sur son épaule trop fine, à le tirer en arrière, à le forcer à remarquer sa présence à ses côtés, et tant pis si ce n’est pas lui. Mais c’est bien son regard trop clair qui se pose sur lui, parsemé de rouge, vitreux, malade, aveugle. « T’as pas l’air en forme. » Il devrait sans doute dire des platitudes. C’est sans doute le moment de lui dire qu’il lui a manqué, de lui demander ce qu’il est devenu, de le serrer dans ses bras, de lui sourire, au moins. Peut être qu’il lui doit des excuses, à lui aussi, puisqu’il lui semble qu’il en doit à tout le monde. Il ne fait rien de tout cela, pourtant. Il se contente de laisser sa main glisser de son épaule au poignet du poète, et de serrer légèrement en recommençant à marcher pour le laisser continuer son errance. Peut être que lui, il arrive à se perdre. « T’en peux plus, de nouveau ? Y’a une raison logique ou pas ? Tu veux des médocs ? » Trois questions trop chargées sans doute, et auxquelles il n’attend pas vraiment de réponse claire. Il ne sait pas comment faire, après tout, lui non plus. Il a oublié comment réconforter les gens, et il n’est pas sûr qu’Elias puisse être réconforté. Pourtant, son cœur bat toujours plus vite. Peut être, quelque part, que c’est son équivalent de « tu m’as manqué ».
(c) AMIANTE
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Elias Solverson
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14.01.20 16:00
For dreams, too, are ghosts, desires chased in sleep, gone by morning.
Elias & Tristan

« Every child finds a day when they realize that adults can be weak and wrong just like everyone else. After that day, you are an adult. Like it or not.  »
Le brouillard est insupportable. Il ne sait plus s’il l’entoure ou l’enserre, s’il rentre en lui ou s’échappe de sa cage thoracique. Il ne sait plus s’il l’inhale ou l’exhale ; il est là, partout, glacial et brûlant et il l’étouffe, l’étouffe alors qu’il peine à aligner ses pas sur les précédents, alors que la douleur de la solitude l’aveugle et teinte de gris toute la ville. Ou peut-être est-ce la nuit, qui pare les bâtiments de leurs plus beaux camaïeux de sombre ? Il ne voit même plus la lune, même plus le ciel, même plus le sol. Il ne voit même plus ses mains, ni la noire ni la blanche.

Sous ses pas, la neige craque. Elle pourrait être le seul son qui brise le silence de la ville endormie, ou le seul son qu’il entend, noyé comme il est dans ses pensées et son désespoir. Et puis un son, un cri qui fait trembler son âme et déchire la brume, le laisse pantelant, les paupières battantes. Son nom. Il se retourne, hagard, cherche la silhouette qui l’a hêlé dans le brouillard, pose les yeux sur un visage qui emplirait son coeur de liesse s’il ne l’associait pas à tant de souvenirs mitigés.

C’est Tristan. Tristan qui est là dans la nuit, qui le rattrape alors qu’il se perd. Tristan qui tend la main, la bouée de sauvetage, le filet de sécurité. La tête d’Elias lui tourne, sa vue se brouille. Peut-être qu’il va perdre connaissance là, dans les bras de cet homme qu’il n’a pas vu depuis des années, peut-être que ça va enfin s’arrêter et qu’il va disparaître maintenant. Maintenant qu’il l’a revu. Qu’il sait qu’il est en vie.

T—Tristan ?

C’est tout ce qu’il parvient à balbutier alors que l’autre se rapproche, devient plus clair, plus net malgré la nuit qui les entoure, que sa main se pose sur son épaule pour être certain d’attirer son attention. Elias ne perd pas connaissance. La main de Tristan le retient, encore, toujours. Il l’entend à peine remarquer sa petite mine — il l’a vu bien pire, même s’il l’a vu mieux, aussi. Il acquiesce simplement, du bout des lèvres. Non, il n’est pas vraiment en forme. Et puis quelques questions qui déferlent sur lui en avalanche, trois séries de mots et trois points d’interrogation qui donnent forme à la brume, qui l’enferment autant qu’ils le contiennent. Non, il n’en peut plus. Non, il n’y a pas de réponse logique. Peut-être que si. Il est seul. Pour de vrai, cette fois. Est-ce qu’il veut des médicaments ? Il ne sait pas. Il regrette la félicité dans laquelle ils le plongent — plutôt une apathie vraiment qu’une félicité, mais l’oubli du malheur est pour lui comme un bonheur en soi. Peut-être qu’il veut des médicaments. Mais retourner là-bas ? Entre les murs froids de l’hôpital, face aux médecins dont les visages trop lointains se perdent avant qu’il n’ait eu le temps de les voir ? Retourner là-bas, seul, sans les visites de Caleb, sans la présence de Tristan ? Ce serait pire, pire que tout, pire que la mort.

Je—Je sais pas ? Je sais pas où je suis. Tu es vraiment là ?

Le poids de la main de son ami sur son épaule s’est estompé et il commence à se demander s’il ne délire pas encore. Ce ne serait pas la première fois qu’il voit quelque chose qui n’est pas vraiment là. ce ne serait pas la première fois qu’il croit entendre la voix de Tristan dans sa tête. Si tu sautes, je saute. Et comme ça, il n’a jamais sauté.
(c) DΛNDELION
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Tristan Atlasson
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25.01.20 16:52
Son nom dans sa bouche sonne familier, et pourtant il lui brise un peu plus le cœur. Il est perdu, ne le voit pas vraiment, et lui n’arrive qu’à continuer le chemin avec lui, sans le lâcher, en gardant un doigt sur son poignet pour vérifier que son cœur bat toujours, pour vérifier que ce n’est pas totalement un fantôme. Peut être qu’il devrait l’emmener à l’hôpital. C’est ce qu’il fallait faire, dans ces situations, non ? Quand on voit quelqu’un en danger, quand on le connaît assez pour savoir qu’il devient dangereux pour lui-même, pour savoir qu’il a besoin d’aide, pour savoir que des mots ne suffiront pas et qu’un soutien professionnel est nécessaire, on l’accompagne jusqu’aux portes blanches, on explique la situation, on le dépose entre des mains compétentes, on le laisse là. On l’abandonne là, jusqu’à ce qu’il revienne réparé, au moins pour un temps, au moins jusqu’à ce qu’on n’ait besoin de l’abandonner là de nouveau. Il devrait sans doute faire cela. Il ne le fera pas, pourtant.

Sa main exerce une nouvelle pression sur le poignet de l’autre alors qu’il répond à ses questions par des questions, et il acquiesce doucement en posant une main sur son visage pour la retirer juste après, pour se laisser simplement s’assurer qu’il parle à quelqu’un de réel, que sa main ne peut pas traverser ses yeux. « On est en Islande. Tous les deux. Dans les rues de Reyk, comme au bon vieux temps. » C’est tendre, un peu. Triste, surtout. Il aurait voulu apprécier Elias avant tout ça, il aurait voulu le rencontrer dans les rues de la capitale un jour parmi tant d’autres, il aurait voulu qu’ils aient des choses à se raconter qui ne se déroulaient pas toujours, ou presque, entre quatre murs trop blancs. Pourtant, c’est ces quatre murs qui les a liés. Sans eux, ils ne se seraient sans doute jamais adressé la parole. Sans eux, tout cela n’aurait pas été possible. Mais il aurait voulu voir en lui autre chose que le désespoir qu’il voyait dans son miroir, et penser de lui autre chose que cette promesse qu’ils s’étaient faite, des années auparavant.

Il le revoit encore, alors qu’il essaie de capter son regard, il le revoit avec ses yeux hagards, assis sur un des bancs trop blancs, admirant les gens qui passaient devant lui. Il se souvient s’être dit qu’il avait l’air un peu mort, déjà, avec sa peau trop pâle et ses yeux trop clairs, avec son corps trop maigre et son âme trop silencieuse. Il ne se souvient pas pourquoi ils se sont parlés. Ils ne se souvient pas ce qu’ils se sont dit. Ils se souvient d’une nuit, quand ils étaient allongés dans le même lit, à essayer de chasser le froid et le vide, et que ces mots avaient franchi leurs lèvres trop naturellement, scellé leurs vies en scellant leur mort. Si tu sautes, je saute. Il n’avait pas sauté. Il aurait dû en être heureux. Il trouvait tout cela triste, affreusement triste.

« Je te ramène chez toi, d’accord ? Tu me guides. Je reste. » Je reste. Il devrait s’excuser, sans doute, oui. Parce qu’il n’est pas resté, ces derniers temps. Parce qu’il a coupé les ponts avec lui, même avec lui, alors qu’il ne savait pas s’il tiendrait sa promesse. Il l’a tenue, pourtant. Il aurait dû s’en douter. « Je croyais que t’étais en France. T’es rentré quand ? » Il n’est pas sûr qu’il l’entende. Peut être que non. Peut être qu’il parle dans le vent. Les mots n’ont pas beaucoup d’importance, de toute façon. Tout ce qui importe, c’est ce poignet dans sa main, ce cœur qui bat contre le bout de ses doigts, et le souffle qu’il devine entre ses lèvres.
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Elias Solverson
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28.01.20 21:35
Et les rêves, aussi, sont des fantômes, pourchassés dans le sommeil, disparus au matin
Elias & Tristan

« Il arrive un jour où chaque enfant réalise que les adultes peuvent être faibles et avoir tort comme n'importe qui. Après ce jour, on devient adulte. Qu'on le veuille ou non. »
Les yeux hagards d’Elias cherchent ceux de Tristan. Si c’est vraiment lui, s’il est vraiment là, en face de lui. S’il est vraiment sorti du brouillard de l’oubli et du temps qui passe pour le rattraper encore une fois. Comme à l’hôpital, quand ils étaient tous les deux brisés, laissés pour compte entre les mains des médecins qui prétendaient tout savoir et tout soigner. Il cherche les yeux de Tristan et surtout en eux il se cherche lui-même. Il a peur d’être redevenu celui qu’il était quand il était là-bas, celui qu’il était avant d’être là bas. Est-ce que Tristan le voit, lui aussi ?

Et puis Tristan lui touche le visage et Elias se rend compte que ça ne lui fait rien. Rien du tout. Peut-être que Tristan n’est pas vraiment là, finalement. Il sent à peine ses doigts sur sa peau, et tout sont corps est aussi froid que le marbre. Peut-être que c’est lui qui n’est pas là. Qui n’est plus là. Peut-être qu’il n’existe plus. Qu’il n’a jamais existé. C’est pour ça qu’il est si vide, si loin, que tout le monde part à la fin. Parce qu’il n’est pas vraiment là.

Tristan essaie, pourtant. Il lui rappelle où ils sont. C’est l’Islande, ici — plus la France, alors ? C’est pour ça qu’il fait si froid. Que tout est gris. Il aimait le jaune, pourtant. Il aimait les tournesols et le son des cigales et le vin de noix, la poussière un peu sèche des rues, l’accent chantant des gens du Sud. Il est rentré, alors. C’est l’Islande, a dit Tristan. Il est rentré. Est-ce que Caleb est là ? Non, non. Caleb n’est pas là. Caleb ne sera plus jamais là. Il bat des cils un peu trop vite. Caleb est perdu. C’est Tristan qui est là, en face d’elle. Tristan qui pense au bon vieux temps.

Ils n’ont jamais eu de bon vieux temps, pourtant. Il essaie, Tristan, il fait comme s’ils étaient deux bons amis qui avaient échangé des rires, des traits d’humour, des aventures passionnantes, qui s’étaient connus avant la guerre. Comme s’ils étaient deux anciens copains et qu’ils avaient partagé beaucoup de belles choses. Mais c’est faux. Tout est faux. C’est faux, Tristan. Il a envie de lui dire, les larmes dans la voix, que c’est faux, qu’il n’y a pas eu de bon vieux temps, seulement des larmes et du vide, et des peines et des peurs échangées dans la sécurité de la nuit. Des regrets, des excès, des angoisses si profondes qu’elles les avaient envoyés là, dans ces couloirs blancs arpentés par des gens en blancs qui leur donnaient des cachets blancs dans leurs chambres blanches avant qu’ils aillent se coucher dans leurs lits blancs, devenus gris seulement pour la nuit.

Non Tristan. Il n’y a pas eu de bon vieux temps, et Elias sait bien que s’ils ne s’étaient pas croisés là, dans cet hôpital vide, Tristan ne lui aurait pas adressé un regard, pas un coup d’oeil, qu’il ne lui aurait jamais parlé. Il n’était rien. Il n’est toujours rien.

Et pourtant il a la voix trop douce quand il lui parle. Pas de la douceur aseptisée des médecins, pas de la douceur mièvre de sa mère. La douceur simple de celui qui sait. Parce qu’il sait, Tristan. Il sait tout. Et sait tout parce qu’Elias lui a raconté, et il sait tout parce que lui aussi, il était là bas. Lui aussi, il a dû y aller. Alors il sait. Il sait et il est là ; il est venu vers lui, il l’a rattrapé, il a pris sa main, alors qu’il sait tout. Et alors Elias se rend compte que c’est peut-être aussi ça, un ami. Que ce n’est pas seulement les rires et les joies, les apéritifs au coin du feu et les escapades palpitantes. Que ca peut aussi être quelqu’un qui écoute, qui apprend, et qui passe quand même son bras sous les épaules quand on ne peut plus marcher. Quelqu’un qui nous ramène chez nous, quand on s’est perdu dans le noir et le froid. Quelqu’un avec qui on se sent toujours un peu chez soi.

Je sais pas trop où c’est, chez moi, Tristan …

Mais il a un peu moins peur, maintenant. Ils trouveront. Tristan est là maintenant. Et quand il dit qu’il reste, Elias a l’impression que tout son corps résonne et vibre, et il sent une larme rouler sur sa joue. Parce que personne n’a jamais dit qu’il restait. Personne n’a jamais voulu rester. Il aimerait bien que Tristan reste.
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Tristan Atlasson
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19.02.20 0:12
Il ment, sans doute. Il ne sait plus vraiment distinguer la réalité des souvenirs qu’il s’est créé avec le temps, mais il est presque sûr qu’il ment quand il parle du bon vieux temps et qu’il n’imagine que trop bien les murs blancs qui défilent derrière les pupilles trop claires d’Elias. Il se demande, pendant quelques secondes, s’il a déjà été heureux, Elias, vraiment heureux, heureux à en avoir des fous rires et oublier tous ses problèmes, heureux à se réveiller avec le sourire, heureux à trouver tout ce que la vie peut lui offrir intéressant, heureux à ne plus penser. Peut être pas. Il ne l’avait jamais connu heureux, lui. Peut être qu’il l’était, quand il n’était pas là. Qu’il l’avait été, en France. Peut être qu’ils étaient destinés à se croiser dans leur désespoir et dans le silence, toujours, sans jamais apprendre à connaître l’autre quand il n’est pas dévoré par la vie.

Peut être qu’ils ne s’apprécieraient pas, s’ils étaient heureux. Il n’est même pas sûr qu’ils s’apprécient tristes. Ils ne sont que deux maillons dans une chaîne qui ont décidé de s’accrocher l’un à l’autre, en partie parce qu’ils avaient l’impression que c’était la meilleure chose à faire, en partie parce que personne d’autre n’était là pour servir de moyen de comparaison. Peut être qu’il ne l’aurait pas supporté, heureux. Il devait être de ceux qui rêvent à haute voix et qui n’ont pas de contact avec la réalité, de ceux qui vagabondent dans leurs pensées et ne prêtent qu’à moitié attention au monde qui les entoure, de ceux qu’il ne comprend pas et qu’il a toujours trouvé affreusement agaçants. Lui était sans doute trop réaliste pour Elias, trop terre-à-terre, trop détaché des sentiments, trop arrogant et trop sûr de lui. L’avait été, en tout cas. Peut être que la question ne se posait pas vraiment parce qu’ils n’étaient plus heureux depuis bien longtemps, de toute façon. Parce qu’ils n’avaient aucune raison de devoir rencontrer l’autre heureux.

La voix de son ami d’infortune résonne entre eux, et Tristan acquiesce simplement, parce que tout est bien trop clair entre eux, parce qu’ils n’ont pas vraiment besoin de développer, parce qu’ils sont utiles à l’autre justement pour ce genre de choses. Ce n’est pas difficile, de se mettre à sa place. Il y a été longtemps. Il y est toujours. Il y a simplement installé une chaise pour se détacher de la panique et simplement observer la tristesse, alors qu’Elias, lui, se noie toujours. « On va chez moi, alors. Ok ? » C’est presque distraitement, qu’il vient essuyer la larme sur sa joue avant de mieux lier ses doigts aux siens et de détacher son regard pour tranquillement reprendre la route. Le froid lui engourdit les joues et le nez, mais elle est brûlante, sa main. Peut être qu’ils ne sont que deux planètes solitaires qui se rencontrent de temps en temps, en hiver, la nuit, enfermés. Peut être que pour une fois, ils peuvent marcher en toute liberté. Alors puisqu’il n’habite pas très loin, il prend le chemin le plus long.

« Tu crois que t’auras besoin de repartir dans le blanc un peu ? Je peux t’y emmener, demain matin, si tu préfères. Si tu le veux. » Il sait qu’il doit proposer. Il n’a pas envie de le faire. Il a envie d’être égoïste. Il a envie de dire que maintenant qu’il a pu le récupérer, il ne veut pas le perdre aux hommes en blanc et à leurs médicaments. Il a envie de ne pas avoir à lâcher sa main. Mais ce n’est pas sa décision. « Mais pas ce soir. Ce soir, on reste au chaud, et on regarde le plafond. » Ce soir, ce sera comme au bon vieux temps. Son pouce vient distraitement tracer des cercles sur le dos de la main d’Elias, et il a envie de parler, mais il sait que l’autre ne l’entend pas vraiment, qu’il ne comprend pas vraiment, qu’il n’a pas l’énergie de lui répondre. Éternellement perdu entre sa tendance au silence et l’impression de devoir parler, il lâche simplement un « Je suis content que tu sois en vie. » étrange, qui ferait froncer les sourcils de n’importe qui. N’importe qui mais pas Elias. Jamais lui.
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30.04.20 17:46
Et les rêves, aussi, sont des fantômes, pourchassés dans le sommeil, disparus au matin
Elias & Tristan

« Il arrive un jour où chaque enfant réalise que les adultes peuvent être faibles et avoir tort comme n'importe qui. Après ce jour, on devient adulte. Qu'on le veuille ou non. »
Il ne peut plus se porter tout seul. Le contraste est violent, trop cru pour Elias qui croyait pouvoir se retrouver, s’envoler pour la France et grandir un peu là-bas. Alors qu’il marchait au milieu des champs de lavande, il croyait s’enivrer de soleil et en revenir doré ; aujourd’hui, le doré s’écaille et le plomb se révèle, lourd, toxique, partout. Comment Tristan peut-il le porter, le supporter, alors qu’il empoisonne ceux qu’il touche et qu’il ralentit ceux qu’il tient ? La neige craque sous leurs pieds et Elias inspire désespérément le froid glacial de l’air, comme s’il pouvait le réchauffer ou le geler un peu plus.

Tristan l’emmène chez lui, alors. Il n’a jamais vu comment c’était, chez lui. Ou alors, il ne s’en souvient pas. L’idée lui serre la gorge. Il voudrait se débattre et s’enfuir, repousser Tristan qui l’aide et l’accueille parce qu’il va tout gâcher, il va tout détruire, il va tout salir avec son âme noire de poussière et de fatigue. Il ne veut pas entrer là bas. Il ne veut pas tout empoisonner chez Tristan, laisser des traces de peine et de destruction sur ses meubles et sur sa vie. Mais il n’a pas la force de se débattre : il a froid, il est fatigué, et il n’a jamais été bien vif de toute façon. Il subira, alors. Il subira l’aide qu’on lui apporte, persuadé de ne pas en être digne, certain de ne rien pouvoir en faire de bon.

Le trajet est long pourtant et Tristan devait être bien loin de chez lui à cette heure si matinale. Ils marchent un peu en silence et pour une fois c’est Tristan qui reprend la parole, lui qui d’habitude économise ses mots autant que ses émotions alors qu’Elias babille assez pour eux deux. Il parle de l’hôpital et Elias retient un frisson. C’était l’enfer là-bas. La solitude et le blanc — tout ce blanc, pourtant, qu’il pouvait salir à l’envi, dans lequel il pouvait se rouler et se complaire parce qu’on nettoyait toujours tout derrière lui. C’était l’enfer et c’était peut-être sa place : tout ce blanc pour étouffer son noir, jusqu’à en avaler pour faire comme si on l’effaçait. Est-ce qu’il voudrait recommencer ? Est-ce qu’il pourrait ? Il faudrait tout refaire. Tout reprendre du début. Il ne pourrait pas. Personne ne viendrait, cette fois. Les jours s’égrèneraient les uns après les autres jusqu’à ce qu’on docteur le prenne en pitié et décide qu’il fallait arrêter de gaspiller de l’argent pour lui. Jusqu’à ce qu’on le relâche avec un merci et un bonne chance, une boîte de cachets et à la prochaine fois. A Tristan, il ne répond que par un haussement d’épaules. Il ne sait pas. Il ne peut pas décider. Il ne sait pas ce qui est bon pour lui. Il n’a jamais su.

Ca le rassure un peu, alors quand Tristan lui dit que ce soir — ce matin, aujourd’hui, qu’importe — ils peuvent ne rien faire. Il n’aura pas à rentrer chez lui seul ; il n’aura pas à vivre si  Tristan peut le faire à sa place. Quand il reprend, quand il lui dit être content de le voir en vie, Elias se brise.

La digue de ses larmes se rompt d’un coup et il explose en sanglots, si bien que ses jambes manquent de lâcher sous lui. Sa main blanche s’agrippe au manteau de Tristan alors qu’il s’applique à laisser la noire loin de lui, et il s’étouffe dans ses pleurs comme l’enfant pathétique qu’il est toujours resté. C’est si dur. Si difficile de rester en vie, de rester là, de se convaincre que fixer le plafond est encore mieux que de ne rien voir du tout. Il se force à penser qu’être vide c’est toujours mieux que de ne pas être du tout. Et pourtant il le fait tous les jours, parce que c’est un abruti de romantique et que cette promesse faite à Tristan résonne encore dans sa tête comme si elle était tatouée dans sa chair.

Moi aussi, je suis content que tu sois en vie …

Il hoquette et c’est dramatique, il a l’air d’une flaque de détresse et il espère que Tristan ne le regarde pas. Il ment un peu. Il ment parce que tant que Tristan est en vie, alors il doit rester en vie aussi et qu’il regrette. Il est coincé dans cette promesse, dans ce lien artificiel qu’ils ont forgé entre eux, parce qu’il n’a pas le cœur à le rompre. Au fond, il fait confiance à Tristan pour respecter son engagement. Si tu meurs, je meurs. Et si je souffre, tu souffres ?
(c) DΛNDELION
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Tristan Atlasson
Tristan Atlasson
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25.05.20 23:40
Il hausse les épaules, il ne parle pas, il est enfermé dans son corps et dans sa tête, et Tristan se contente de continuer à avancer et de continuer à parler comme s’il avait eu des réponses constructives. Il en a eu, en quelques sortes. Il comprend, sans qu’ils n’aient vraiment besoin de parler. Mais il avait toujours eu l’impression que les mots rassuraient Elias, qu’il avait besoin de parler et de ressentir pour exister, quand lui n’avait besoin que de quelque chose pour occuper ses pensées et de silence pour travailler. Il sait que ça lui faisait du bien, dans le blanc, quand le blond parlait de sa voix trop basse et trop légère pour les circonstances, quand il avait l’impression d’écouter de la poésie alors qu’il ne lui demandait que l’heure qu’il était et qu’il n’avait jamais aimé la poésie. Il ne peut pas le ramener là bas. Il devrait. Il se sent égoïste de ne pas le vouloir. Il se sentirait hypocrite de le faire. Si Elias ne va pas mieux, alors lui non plus. Lui aussi, il est retombé tout en bas, il y a un moment maintenant. Peut être qu’il n’y avait que cette promesse qui le gardait en vie. Peut être qu’Elias aussi. Peut être que la chose la moins égoïste à faire, ce serait de le libérer de sa promesse. Mais il ne pourrait pas s’y résoudre.

Alors il parle sans réfléchir, parce qu’il n’a jamais su peser ses mots et qu’il n’a pas envie de commencer à mentir. Il est content qu’il soit en vie. Il n’y a rien qu’il ne puisse dire de plus vrai. S’il a haï cette promesse plusieurs fois, s’il a toujours eu un doute qu’elle ait été tenue, quand il était loin de lui, quand il était allongé sur un lit en France, en train de fixer le plafond, il sait aussi qu’il est heureux de l’avoir faite. Ils ne savent pas vivre pour eux, mais ils savent vivre pour qu’un autre survive. C’est égoïste, aussi, quelque part. Sans l’autre, peut être qu’ils seraient tous les deux morts. Sans l’autre, peut être qu’ils iraient tous les deux mieux, qu’ils auraient décidé de prendre les choses en main plutôt que de se rassurer en se disant que de toute façon, ils ne pouvaient pas se permettre de mettre fin à tout cela puisqu’ils en avaient fait la promesse, au lieu de régler le problème qui leur donner envie de le faire. Ca importe peu, quelque part. Tout ce qui importe est la promesse, et les larmes qui commencent à secouer le corps d’Elias.

Il ne bouge pas beaucoup, Tristan, alors que l’autre s’écroule. Il s’accroupit un peu, à un moment, pour le soutenir. Sa gorge ne se serre plus, ses yeux ne brillent plus de larmes, pas comme avant, pas comme les premières fois, pas comme quand la douleur d’Elias arrivait encore à l’étonner simplement parce qu’il ne l’exprimait pas comme lui le faisait. Aujourd’hui, il se contente de la prendre dans ses bras, d’en récupérer un petit peu pour qu’ils soient plus proches d’être à égalité. Aujourd’hui, il se contente d’être là, sans murmurer que ça ira, parce que rien n’ira jamais, avec eux, et qu’il ne compte pas commencer à mentir aujourd’hui. Alors il attrape la main que l’autre tient éloignée parce qu’il n’a que trop conscience que c’est parce qu’il a peur de le contaminer, pour lui rappeler qu’il n’a jamais été plus propre que lui, qu’ils vivent dans la même odeur putride, et il le serre un peu contre lui. Comme ça, il y a moins de différence de taille. Comme ça, il a moins de mal à lui caresser les cheveux.

Ca dure quelques minutes, ou quelques heures, avant qu’il ne juge Elias capable de marcher de nouveau, et qu’il ne le redresse doucement pour s’enfoncer dans les rues avec lui. L’appartement n’est plus très loin. Il ne lâche plus sa main, la serre peut être un peu trop fort, s’arrête de temps en temps pour essuyer une larme et la porter à ses lèvres en reprenant son chemin, comme si avaler des larmes revenait à avaler la tristesse. Il ouvre bien vite la porte de l’immeuble, puis de l’appartement, puis de sa chambre. Aucune lumière n’est allumée. Ils n’en ont pas besoin. Ils ne la voient pas vraiment. Elias ne veut sans doute pas qu’il le regarde. « Allonge-toi. » Sa voix est basse, mais c’est moins pour ne pas déranger les colocataires que pour ne pas déranger Elias. La chambre est épurée, presque vide si ce n’est pour le lit, le bureau rempli de papiers, deux livres sur la table de chevet, et un squelette anatomique dans un coin, qui les surveille. Ce n’est sans doute pas le meilleur endroit pour réconforter un ami. Mais sont-ils seulement amis ?

Il prend place aux côtés du blond, tous deux tout habillés, sur le dos, les yeux rivés sur le plafond. « J’avais envisagé de mettre des étoiles. Tu sais, comme à l’hôpital ? Je n’ai jamais pris le temps, finalement. » Il y a quelque chose de réconfortant, à fixer un plafond sans étoile. Il en a trop pris l’habitude, sans doute. Ca aussi, Elias doit le comprendre. Et il glisse de nouveau sa main dans la sienne pour y tracer des cercles. « Tu peux me parler de ce qui va pas, si tu veux. Ou tu peux pleurer, si tu préfères. On peut même rester là et imaginer les étoiles, si on y arrive. J’y arrive plus trop, moi. Mais peut être qu’avec toi, ça me reviendrai. » Ils n’ont pas bougé, depuis toutes ces années. Ils pensaient qu’ils iraient mieux, et ils étaient partis dans le pays des lumières en pensant enfin voir briller le monde autour d’eux. Et pourtant les revoilà tous les deux, dans la capitale glacée, allongés sur un lit trop petit pour leurs deux corps, occupés à imaginer des étoiles qu’ils savent être incapables d’atteindre, à se demander pour combien de temps encore ils pourront garder leur promesse.
(c) AMIANTE
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